Expo Chris Killip au Bal

Le Bal, espace créé par les Amis de Magnum et dédié à l’image, consacre une très belle exposition au photographe anglais Chris Killip (né en 1946), What happened Great-Britain, 1970-1990,jusqu’au 19 août 2012Durant les années Thatcher, de nombreux artistes se sont attelés à critiquer la dureté de la société britannique en s’interrogeant sur la façon dont le Royaume-Uni abordait ses laissés-pour-compte. Parmi eux, Jonathan Coe ou Ken Loach, mais aussi Chris Killip par ses prises de vue…

Ce photographe nous immerge dans l’Angleterre de la désindustrialisation, pointant sa brutalité et ses conséquences sur les classes populaires britanniques. Le propos semble documentaire – et incontestablement, il l’est –, mais on est immédiatement frappé par l’incroyable élégance et la beauté puissante qui se dégagent des photos. Très esthétiques, mais jamais esthétisants, les clichés de Chris Killip redonnent de la dignité à ces oubliés de la modernité. L’artiste ne cherche cependant pas à rendre leur pauvreté « belle » ou « spectaculaire ». Son œil profondément humain, sa vision mélancolique mais âpre sur ce monde en transition soulignent une approche personnelle à la fois représentative de son époque et complètement intemporelle. L’utilisation systématique du noir et blanc renforce assurément cette impression. Comme la superbe photo de Rocker et Rosie rentrant chez eux (1984). Foncièrement ancrée dans ces années 1980 éprouvantes, elle pourrait sans anachronisme faire la couverture d’un livre de Charles Dickens ou de Thomas Hardy !

La jeunesse est au cœur du travail de Killip. Désœuvrée, elle souffre et semble être la première touchée par cette Angleterre en mutation. Elle se cherche, mais ne baisse pas les bras. Killip ne la montre jamais en victime. Elle estperdue au milieu d’usines abandonnées, de cités sordides en briques ravagées, de chantiers navals désaffectés, ou bien isolée dans une nature sublime mais rude et inhospitalière. Comme David and Whippet waiting for salmon (1983), où deux jeunes semblent posés là par hasard, comme « en attente » (du saumon ? d’une vie meilleure ?) au bord d’une plage immense mais sans perspective. Ou encore la très belle photo des punks (Punks, Gateshead, Tyneside, 1985) et son jeune homme au premier plan, sorte de Billy Idol mélancolique et triste, les yeux baissés, en totale opposition avec les visages aux expressions éteintes qui l’entourent.

Chris Killip est né sur l’île de Man – une île pauvre et traditionnellement paysanne devenue par la suite un paradis fiscal. Cela explique en partie, sans doute, sa vision intime de l’Angleterre des années 1970-1990 et de ses changements, de l’isolement, de la jeunesse et des classes populaires, mais aussi la forte présence de la mer, du ciel bas et brumeux. Cependant, son œuvre reste incontestablement hors du tempset totalement inclassable. Un conseil : courez-y, c’est une vraie découverte et l’expo est formidable !

Jusqu’au 19 août 2012

Le Bal. 6, impasse de la Défense, 75018 Paris (M° Place-Clichy). Tél. 01 44 70 75 50

Du mercredi au vendredi : de 12 h à 20 h (nocturne le jeudi jusqu’à 22 h). Samedi : de 11 h à 20 h. Dimanche : de 11 h à 19 h.

Programmation en parallèle de l’expo sur le cinéma documentaire britannique, Looking at Britain au cinéma des Cinéastes (de l’autre côté de l’avenue de Clichy).

Également à voir au sein de l’expo : The girl chewing gum, documentaire de 12 minutes (1976) de John Smith.

Un petit creux ? Have a break au Bal Café ! Bar-restod’esprit contemporain, il possède une charmante terrasse très calme face à un square à l’abri de la bouillonnante place Clichy ! À déguster : les petits plats concoctés par l’équipe franco-britannique.

5 avis pour “Expo Chris Killip au Bal

  • 20/09/2012

    C’est votre avis, Léa, et vous avez tout à fait le droit de l’exprimer ! Pour ma part, j’avoue avoir été réellement touché par les prises de vue de Killip, photographe, par ailleurs, que je ne connaissais pas…

  • 19/09/2012

    Ce n’est pas la première fois que je suis déçue d’une exposition au BAL, l’espace est très petit et la visite coute particulièrement cher pour des collections assez pauvres, très prétentieuses et peu documentées.

  • 21/07/2012

    Bravo pour l’article!!! Il m’a vraiment touchée!!!j’irai voir l’expo !!!

  • 10/07/2012

    1 hug au rédacteur culture, un article tonique qui sert parfaitement les sublimes photos de Chris Killip. Thanks XXX

  • 08/07/2012

    Un article qui donne bien envie d’aller voir cette expo ! Merci !

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