Rolling Stones : 50 ans de rock

Cinquante ans que les Stones roulent leur bosse, accordent leurs Fender Stratocaster, hurlent leur insatisfaction, affolent les foules, traînent leurs guiboles dans les stades ou les clubs. De quoi fêter leur anniversaire en fanfare – rock’ n’ roll, bien sûr !

Cet été, impossible de faire l’impasse sur la biographie de Stanley Booth, Dance with the Devil – L’Histoire extraordinaire des Rolling Stones, parue initialement en 1984 et publiée pour la première fois en France. Booth a suivi les Stones durant toute leur tournée américaine de1969 et il a noirci plusieurs carnets de route, à tel point qu’il nous noie parfois sous les détails… Même le fan le plus monomaniaque aura envie de lire quelques passages en diagonale, mais il faut bien avouer que ce livre est archidocumenté et élégamment construit, entre flash-back sur les débuts des Stones et scènes de live.

Cela dit, Booth n’est jamais aussi convaincant que lorsqu’il parle avec ses tripes, évoquant tour à tour ses désillusions et son amour du rock. Et il n’est jamais aussi prenant que lorsqu’il délaisse son journal si précis pour nous parler de la vie, au-delà des balades en limousine, des orgies d’après-concert, des plats choisis par les Stones au restaurant, des inventaires des convives présents ou absents. Quand il arrête d’égrener méticuleusement les faits pour relater ses errements personnels et ceux de sa génération, là il tape dans le mille !

Les chapitres consacrés à la mort de Brian Jones et à la tournée américaine de 1969 se chevauchent subtilement, créant une fine mélancolie qui n’est pas étrangère à l’attrait du livre. La mort de Brian à l’été 1969 ? Le cataclysme du concert gratuit donné par les Stones à Altamont en décembre de la même année ? Tout un symbole, celui des illusions perdues. Les Hell’s Angels, chargés d’assurer la sécurité à Altamont, ont tué un jeune Noir-Américain, Meredith Hunter, et l’ange Brian s’est noyé accidentellement (ou pas) dans sa piscine… Une année démoniaque. Selon Keith Richards, dans son excellent livre Life, sorti en 2010, « Altamont, c’était la face obscure de l’humanité, un retour à l’âge de pierre en quelques heures à peine. […] En ce qui me concerne, ça a été la fin du rêve ». La fin du rêve, c’est bien, de son propre aveu, ce qu’évoque Booth dans son livre : « Dance with the Devil raconte cette période, où le monde était plus jeune, et où le sens des choses était, ou semblait être, à un moment donné, plus clair. Il y a presque une éternité. »

Une époque révolue, certes, mais qui a encore le pouvoir d’enchanter notre monde. Il suffit pour s’en convaincre d’aller admirer les superbes clichés exposés à la galerie de l’Instant, dans le cadre de l’exposition Stoned and respectable, 50 ans de carrières des Rolling Stones. Tous les grands photographes ayant immortalisé les « Pierres qui roulent » y sont représentés. Gered Mankowitz, Claude Gassian, ou, plus récemment, Ken Regan… On a une affection toute particulière pour les images de Dominique Tarlé, prises à l’été 1971, lors de l’exil français du groupe à la villa Nellcôte, au pied du cap Ferrat. Dans une atmosphère Côte d’Azur et Belle Époque, entre opulence et décadence, les Stones y enregistrent leur mythique Exile on Main Street

Cartons illustre d’ailleurs à merveille la créativité et la symbiose du couple Jagger-Richards. Pour l’anecdote, cette photo a été prise alors que les Stones s’étaient escrimés tout l’après-midi à installer une chaîne hi-fi qu’ils venaient de recevoir. Ayant finalement décidé de laisser tomber la chaîne, ils se sont mis à jouer de la musique… Là encore, tout un symbole ! I know, It’s only rock’ n’ roll, but I like it. Ce n’est qu’une anecdote, ce n’est que du rock’ n’ roll, ce ne sont que des jeunes gens qui aimaient le rythm’ n’ blues et qui ont fait danser d’autres (plus si) jeunes gens pendant cinquante ans, mais… on aime ça !

Stanley Booth, Dance with the Devil – L’Histoire extraordinaire des Rolling Stones, Flammarion, 2012, 21,90 euros

Keith Richards avec James Fox, Life, Robert Laffont, 2010, 22,90 euros ; Seuil, collection « Points », 2011, 8,90 euros

Stoned and respectable, 50 ans de carrières des Rolling Stones, galerie de l’Instant, 46 rue de Poitou, 75003 Paris, jusqu’au 12 septembre 2012