Punk is not dead ?

Le punk est dans l’air du temps. Au-delà d’un effet de mode et d’une récupération marketing sans intérêt, on a décidé de se pencher sur ce mouvement rebelle et essentiel des années 70 par le biais d’une expo, et de quelques livres à bouquiner. Qui a dit que les punks étaient des crétins incultes ?

What the fuck ?! Le punk muséifié ? C’est à partir de cette idée surprenante que la Cité de la musique propose une expo sur le mouvement fondamental que fut le punk : Europunk, une révolution artistique en Europe. Fut ? Oui, et c’est sans doute ce constat d’une époque révolue, quasiment mort-née, qui rend cette expo captivante. Et qui légitime aussi la présence contradictoire du punk dans un musée. Explication en quelques points.

The Clash - 1978Un mouvement européen aussi furieux qu’éphémère

La Cité de la musique a choisi de ne se consacrer qu’au continent européen – exit donc les Etats-Unis, berceau réel du punk, Iggy, Patti, Lou, le CBGB -, et plus particulièrement de se focaliser sur le Royaume-Uni et la France, secoués par cette effervescence créative de 1976 à 1980. Une période extrêmement courte, fulgurante, portée par une jeunesse radicale qui revendique la rébellion comme art de vivre, le chaos comme forme artistique, la pornographie, la scatologie ou le second degré comme armes contre l’ordre établi. Le message est bien plus politique en Europe qu’aux Etats-Unis. No future, bordel !

Une recontextualisation historique

Affiche Concert Punk 1977Une timeline tout au long de l’expo replace les artistes dans le contexte politique et culturel de l’époque. Une excellente idée qui permet de ne pas dissocier le mouvement punk européen de son aspect social primordial. Né sur les cendres de mai 68, pendant une période économique troublée (les deux crises pétrolières des années 70), dans une Angleterre appauvrie en pleine désindustrialisation, le punk est une révolte contre une société de merde, un cri enragé qui joue avec les excès, les limites et le mauvais goût (utilisation détournée des croix gammées, de l’étoile de David, du sexe trash…) « I wanna be arnachy! The only way to be! » gueule Johnny Rotten survolté dans son micro !

Une révolution (anti ?) artistique globale

Bazooka Production 1975Bien sûr, il y a la musique avant tout. Des Sex Pistols aux Clash, en passant par les débuts de Siouxsie, jusqu’à Joy Division et l’hypnotisant Ian Curtis, qui annonce le début de la Cold Wave et donc la mort du punk. Mais il y a également l’amorce d’un graphisme explosif. Notamment avec Jamie Reid, mais aussi le collectif Bazooka, composé d’élèves des Beaux-Arts de Paris, qui occupe les pages de Libération avec leurs représentations violentes et déjantées. « Pour une dictature graphique ! » proclament-ils, non sans provoc’. Et toute une ribambelle de fanzines, affiches, pochettes de disques, collages, vêtements (de Vivienne Westwood et Malcom McLaren), films, photos, dessins sont élaborés par le DIY (Do It Yourself), où l’on prône la récup’, le détournement d’images, l’expressivité violente, le tout dans un état d’urgence permanent.

Au total, la Cité de la musique expose plus de 500 objets issus de collections publiques ou privées. A voir, donc, pour se remémorer une époque bouillonnante qui a imprégné durablement, et qui continue à marquer, l’histoire du rock.

 Jusqu’au 19 janvier 2014

Cité de la musique, 221, avenue Jean Jaurès, 75019 Paris. 01 44 84 44 84. Du mardi au jeudi, de 12h à 18h (fermé le lundi). Le vendredi et samedi, de 12h à 22h. Le dimanche, de 10h à 18h

England’s Dreaming

England's DreamingEt pour replonger tête baissée (crête sur le crâne) dans cette période explosive, je vous conseille l’époustouflant England’s Dreaming de Jon Savage. Véritable bible, ce « monument » de plus de 600 pages constitue LA référence en la matière. Jon Savage, journaliste rock britannique, s’est attelé consciencieusement et chronologiquement (de 1971 à 1979) à retracer les frasques chaotiques du mouvement punk, avec les Sex Pistols comme fil rouge, sans négliger ses aspects les plus sombres. Bien sûr, il y a Sid Vicious et Johnny Rotten, bien sûr on retrouve Joe Strummer et Malcolm McLaren, bien sûr Jon Savage fait le lien avec David Bowie, les Ramones, les New York Dolls ou Patti Smith, mais il cite également une ribambelle de groupes tombés depuis totalement dans l’oubli. Agrémenté d’une iconographie riche et variée, ce premier ouvrage a été, depuis sa parution en 2002 chez Allia (pour sa version française), complété d’un deuxième volume passionnant – The England’s Dreaming Tapes -, rassemblant les interviews et tous les matériaux bruts qui ont permis à Jon Savage de constituer son histoire du punk britannique. Un beau cadeau percutant pour Noël ?

 England’s Dreaming, les Sex Pistols et le Punk, Jon Savage, éditions Allia, Paris, 2002.

– The England’s Dreaming Tapes, Jon Savage, éditions Allia, Paris, 2011.