Whispering sons : post-punk hypnotique – Live report

Fin mars dernier, le groupe de post-punk belge Whispering Sons, porté par la fascinante Fenne Kuppens, donnait un concert magistral au Petit Bain, à Paris.

« Dead end » commence à peine que Fenne Kuppens déambule déjà de part et d’autre de la scène du Petit Bain, défiant du regard le public. Est-ce qu’on sera cap ou pas cap de la suivre dans les abîmes tortueux de sa psyché ? De s’enivrer de la tessiture profonde de sa voix, de la force captivante de ses incantations, sublimées par des riffs cassants et des boucles à la fois obsessionnelles et borderlines, oscillant entre ère glaciaire et fureur volcanique ?

S’affranchir et déconstruire

« They should hang on every word I speak, Cick the dirt off my lips and kiss my cheeks ; Cheer on the evolution that I seek » (Ils devraient s’accrocher à chaque mot que je prononce ; Lécher la saleté de mes lèvres et embrasser mes joues ; Encourager l’évolution que je recherche), déclame ainsi la chanteuse et co-songwriter (avec le batteur Sander Pelsmaekers), du groupe belge Whispering Sons, dont elle est le centre névralgique. Qu’elle ne s’y trompe pas, Fenne Kuppens : son évolution, on ne fait pas que l’encourager, on la scande, on la supplie de s’incarner toujours plus. On est fascinés, subjugués par sa prise de pouvoir sur scène, sa danse désarticulée affranchie de tous les codes, de tous les genres. Libre tout simplement. De faire du murmure un cri primal. De décrocher le rôle principal au lieu de faire les chœurs. De troquer la muse et l’égérie pour une plume trempée dans l’acide et l’angoisse. Dans la lignée de Patti Smith, PJ Harvey, Souxsie ou Bikini Kill. Mais avec l’album Closer de Joy Division comme disque de chevet.

Whispering Sons - © Bertrand Noël / Horsdoeuvre.fr
Whispering Sons – © Bertrand Noël / Horsdoeuvre.fr

Une matière sonore organique et sensorielle

Une fois le décor planté, le rythme s’accélère avec « Heat ». « She has a face no stranger than mine ; Flaring up under the red stained sky ; In the glorious ruins of her appearance ; I recognize myself disappearing ; Weep for the wreckage around me » (Elle a un visage qui n’est pas plus étrange que le mien ; S’enflammant sous le ciel rougeoyant ; Dans les ruines glorieuses de son apparence ; Je me reconnais en train de disparaître ; Je pleure sur les décombres qui m’entourent). Et c’est vrai que tout s’enflamme, grosse poussée d’adrénaline, on frôle la transe. Mais dans le même temps, « Heat » nous remet face à la dystopie que l’on a laissée aux portes de la salle de concert, à ces ruines qui nous entourent. Et qui nous font pleurer. Whispering sons n’est en rien dans la prise de parole, qu’elle soit politique, engagée ou critique.  C’est à peine si le groupe nous parle d’ailleurs pendant le set à part quelques mercis par-ci par-là. Tout passe par le corps, la voix, le son, la danse. C’est avant tout organique et sensoriel.

Des uppercuts de noirceur

Certains morceaux de la set-list, issus du deuxième opus du groupe, Several Others, agissent comme un défibrillateur. Le cœur se prend un coup de poing ultra violent lorsque le groupe balance « Surface », se pressant alors contre notre poitrine, prêt à la transpercer, à prendre de front cette montée en puissance de noirceur qui le fait se sentir si vivant. « Solitary minds think alike facing reality » (les esprits solitaires se ressemblent face la réalité) hurlent à l’unisson avec Fenne Kuppens nos émotions meurtries, étouffées, ratatinées au fin fond d’un quotidien claustrophobique. D’autres morceaux font écho au pire de nos obsessions, de nos angoisses et de nos solitudes, comme « Flood ». « Encircling me with incoherent scraps of talk, I carve silence in my forearm ». Noyés dans ces octaves ténébreuses, percutés par ces flots de guitares anguleuses, on peine à profiter des quelques instants sonores plus sobres qui ponctuent le set, avec juste un clavier et la voix de Fenne Kuppens. Avant de quitter la scène, Whispering sons nous offre en cadeau d’adieu, « Waste », le titre phare de son premier album, Image. Un final à la fois intense, habité et d’un romantisme follement vénéneux dont on ne peut désormais plus se passer.

Photographies : Bertrand Noël pour HdO

Whispering Sons donne plusieurs concerts en Belgique au mois d’avril. Le groupe partagera également l’affiche avec Nick Cave & the Bad Seeds, Sleaford Mods et Placebo le 25 juin lors du festival belge TW Classic.