Ryley Walker – Course In Fable

Rien ne sert de courir, il faut jouer à point… Et dans son genre, Ryley Walker est un coureur de fond, un athlète dopé au style de Chicago ; à la manière des chats, il retombe toujours sur ses pattes. Son dernier album, Course In Fable, en est la dernière preuve en date.

Singer songwriter délicat, guitariste prolixe, volontiers adepte des paroles hermétiques et de l’autodérision – « Joue de la guitare, chante quand on me le demande », dixit* – Ryley Walker n’a cessé de surprendre depuis All Kinds Of You, son premier album sorti en 2014. Enchaînant depuis des albums évoluant à partir de ce que l’on pourrait décrire comme un néo-folk évoquant la période charnière des années 60-70 (Tim Buckley ou Bert Jansch, pour ne pas les nommer), il s’est construit peu à peu une discographie cohérente menant tout droit à un rock fusion complexe et extrémement bien ficelé.

Ryley Walker - Photo by Emma Smith
Ryley Walker – Photo by Emma Smith

Car ledit Ryley est un musicien intelligent, pour ne pas dire brillant. Porté par une sensibilité musicale extrême, fruit d’une personnalité polymorphe et d’une insatiable curiosité musicale, il a le goût, et l’intégrité nécessaire, pour des paysages musicaux où rares sont ceux qui osent s’aventurer. Après avoir quitté Chicago et créé son propre label (Husky Pants), il n’a cessé d’enregistrer tous azimuts. Alternant les albums uniquement consacrés à la guitare, principalement avec Bill MacKay, avec lequel il collabore depuis plusieurs années, et à des « expérimentations » – ses covers du Dave Matthews Band ou le très étrange Deep Fried Grandeur avec le groupe japonais psychédélique Kikagaku Moyo – il n’en n’oublie pas pour autant sa carrière solo.

Produit par le batteur et multi-instrumentiste John McEntire, plus connu comme membre de Tortoise et comme propriétaire des studios Soma, Course In Fable aurait pu s’avérer indigeste, ou du moins difficile d’accès, mais il n’en n’est rien. Funambule, Ryley Walker l’est dès le premier morceau,  Striking Down Your Big Premiere. Intro très prog avec roulements de batterie, guitares complexes et sons distordus, embrayant in extremis sur une « mélodie – voix » un rien nonchalante, le tout avant 1 minute 30, sur les 5 que dure le morceau : en quelque sorte un concentré du « style Ryley Walker ».

Ryley Walker
Ryley Walker

Pond Scum Ocean, avec son rythme répétitif et bondissant, inquiète puis se ravise, joyeux et presque euphorisant ; Shiva With Dustpan invite à la rêverie pendant que A Lenticular Scap se tord dans tous les sens pendant plus de 7 minutes. « I’m wise / I’m so fried / Rang Dizzy Inside / Fuck me I’m alive » chante Ryley Walker sur Rang Dizzy et c’est vrai, Course In Fable donne l’impression d’un « mood swing** » permanent. Or, c’est précisément en raison de ce déséquilibre à chaque fois rattrapé de justesse, grace à ce grand écart entre un lyrisme fragile et d’incroyables prises de risque, sur Clad With Bunk également, que l’on se laisse griser avec reconnaissance tout au long des sept titres que constituent l’album.

Cohérent par rapport à son prédécesseur, Deafman Glance, Course In Fable « ose » encore presque plus, si c’est possible, tout emporté qu’il est par la subite nostalgie d’un temps vers lequel il ne souhaite pas revenir. Cyclothymique mais lumineux, parfois énigmatique mais toujours pertinent, Course In Fable fera date, du moins on l’espère.

Ryley Walker – Course in Fable – Le 02 avril 2021 chez HUSKY PANTS RECORDS

A relire : l’interview de Ryley Walker

* changement d’humeur