Michael J. Sheehy : Distance Is The Soul Of Beauty

« La mélancolie / C’est un chat perdu / Qu’on croit retrouvé / C’est un chien de plus / Dans le monde qu’on sait… »

Les paroles sont de Léo Ferré et pourtant, ce sont elles qui viennent à l’esprit à l’écoute du nouvel album de Michael J. Sheehy, Distance Is The Soul Of Beauty. Un titre énigmatique pour un disque tout en délicatesse et… en mélancolie justement. Introspectif, minimaliste, ce nouvel opus de Michael J. Sheehy – dont l’on se souvient des débuts à la fin des années 90 avec le groupe Dream City Film Club jusqu’à sa première escapade en solo, en 2000, avec l’envoûtant et impeccable Sweet Blue Gene, entre autres – , aussi pétri de spleen soit-il, apaise et invite à la grâce.

Un véritable projet en solo, voilà des années que Sheehy ne s’y était risqué, 10 ans, au moins, préférant faire son retour sous les auspices beaucoup plus « devil’n blues » de son groupe Miraculous Mule et de la noirceur électro tout en apesanteur d’United Sound Of Joy, son projet de 2016. C’est que depuis, l’eau a coulé sous les ponts, les larmes ont creusé leurs sillons, et avec la sagesse est venue l’acceptation. L’alcool, les dérives, tous ces vieux démons chers à Alan Vega (Suicide étant sans doute avec Elvis, l’une de ses sources d’inspiration) ont fait place à l’introspection, laissant la musique, et l’écriture, presque à nu.

Michael J. Sheehy : Distance Is The Soul of Beauty
Michael J. Sheehy : Distance Is The Soul of Beauty

Car, si les fantômes sont toujours là, ils sont encore à naître : fugitifs, évanescents, le coeur serré d’affections perdues. Il n’y a pour mieux s’en convaincre qu’à écouter The Girl Who Disappeared où voix et mélodie, toutes deux si caractéristiques du songwriting de Michael J. Sheehy, s’épousent harmonieusement pour mieux conter une disparition. Apparitions ou disparitions, Elvis ou Jesus ? A l’évidence, l’éloignement, les séparations, sont l’âme même de la beauté (Distance Is The Soul Of Beauty !), celle des étoiles tombées d’un ciel glacé, Blue Lattitudes And Starless Skies, d’un chemin au crépuscule pour rentrer chez soi, Turn Back For Home, ou celle, éteinte, du coeur de Judas…

Judas Hour, moment terrible, « à la Johnny Cash » (et bande-son idéal d’un ultime épisode de Peaky Blinders : le sang irlandais, sans doute ?) où une seul guitare vient fendre l’obscurité comme pour une dernière tentation, une dernière trahison possible, à laquelle, en un dernier soubresaut, on parviendrait à résister. Décidémment, on ne troquerait cet album, avec ses autres titres parfois plus apaisés, pour tout l’or du monde, même à l’heure la plus sombre, celle où l’on contemple un monde déchu, finissant et tragiquement absurde.

Michael J. Sheehy – Distance Is The Soul Of Beauty, sortie matérialisée le 23/10/2020, à commander de préférence chez son meilleur disquaire et sinon : ici ou là