United Sounds of Joy : oeuvre au noir

Il en est de Michael J.Sheehy comme des chats, c’est à croire qu’il a neuf vies ! Pour preuve, son dernier avatar en date, United Sounds of Joy, tout en mélancolie pop post gothique. Mais n’allez pas vous méprendre, l’emploi du mot «gothique » prend ici son sens le plus noble et le plus intimiste : entrelacs de soie ténébreuse, échos vrombissants se perdant dans un dédale tristement chatoyant, voix délicate et lointaine. Dès le premier titre, Seams of Sorrow (traduction : les coutures de la douleur, on ne peut pas être plus clair), le ton est donné.

United Sounds of Joy
United Sounds of Joy © Lawrence McCarthy

Bien que l’on reconnaisse immédiatement la patte de Sheehy dont les albums en solo* gardent depuis ses débuts cette tonalité sombre et lénifiante, United Sounds of Joy est pourtant un projet réalisé en duo avec son ancien acolyte du défunt Dream City Film Club, Alex Vald. Écouter l’album s’apparente à une sorte de voyage sidéral, une errance en apesanteur autour d’une Wounded Moon, en quête d’étoiles aussi obscures que l’amour.

Pulsations lentes, doucement hypnotiques, on est loin du blues iconoclaste de Miraculous Mule, « l’autre » groupe de Sheehy où, épaulé par son frère Patrick MacCarthy et le batteur Ian Burns, il s’improvise prêcheur d’un bayou volontiers suicidaire où rôdent fantômes vaudous et Night Trippers. L’un n’empêchant pas l’autre, bien au contraire, on peut même affirmer que les deux groupes sont complémentaires. Et Sheehy, en bon disciple du Chat Murr, ne cesse d’osciller entre vertige romantique et dérision punchy, un grand écart qu’il pratique depuis une bonne vingtaine d’années.

Pour s’en persuader un peu plus, on se repassera sur la platine Queen of Seven Dials et Free To Fall, les deux derniers titres de l’album, tout en méditant sur sur l’éternel retour de cet Orphée d’un rock discret, subtil et beaucoup plus profond qu’il n’y paraît. United Sounds of Joy ou le bonheur d’être triste…

United Sounds of Joy – Bronze Rat – 22 février 2016
* A réécouter d’urgence : au moins Sweet Blue Gene et With These Hands : The Rise And Fall Of Francis Delaney (Beggars Banquet)
Illustration pochette : Aleksandra Laika