La soupe au chou à la soviétique

Les recettes du grand confinement

Je ne sais pas si vous vous souvenez mais il fût un temps où l’on tournait des séries, dont certaines en extérieur (pour dénoncer le studio en question, composez JD666, pour donnez des noms, tapez 1) particulièrement hilarantes. L’une d’entre elles, pour ne pas la nommer, se disait « Au service de la France » et faisait allusion à un empire heureusement démantelé depuis où les pauvres victimes du système devaient faire la queue des heures durant pour se fournir en douteuses denrées et autres saloperies issues d’une production nationalisée. Heureusement, ça n’arrivera jamais chez nous ! Ah, ben si en fait…

HdO, toujours sur tous les fronts, y compris de l’Est, a donc fait appel en urgence à une spécialiste de la gastronomie d’avant la chute du mur, la joliment prénommée Joanna qui, pour sa part, se serait bien passée de pareil parfum de nostalgie. Voici donc sa première recette, un truc à base de presque rien, supérieurement savoureux mais que vous n’arriverez probablement pas à faire, suppôts du capitalisme, assistés que vous êtes : la soupe au chou !

Pour préparer cette recette honteusement communiste, il vous faut :

– 1 jarret de cochon
– 1/2 chou blanc
– 2-3 pommes de terre
– 2 carottes
– 1 oignon
– 1 boîte de tomates concassées
– 1 feuille de laurier
– Poivre de Jamaïque
– Clous de girofle
– Persil plat

Préparation : longue, ça tombe bien, vous n’avez que ça à foutre…

Prix : super pas cher, heureusement car vous êtes au chômage partiel

Dégustation : en plusieurs fois, tas de branleurs avides de sorties !

Pour combien : 1 à 4 confinés

1. Faîtes la queue chez le boucher pour vous fournir en viande de porc, par exemple 1 jarret. Comptez 2 heures d’attente, minimum.

2. Une fois remis de vos angoisses après avoir vu le boucher découper la viande – non javelisée – de ses mains non gantées, préparez un bouillon en plongeant le jarret dans l’eau froide avec les carottes épluchées entières, l’oignon piqué d’un clou de girofle,une feuille de laurier et quelques grains de poivre de Jamaïque. Portez à ébullition puis continuer la cuisson jusqu’à ce que la viande soit tendre (minimum 1 heure) à feu doux.

3. Tout en lisant Surveiller et punir de Michel Foucault, hachez très finement le demi-chou blanc, légume russophile.

 

4. Placez ce fumier de chou dans un récipient et salez. Laissez dégorger – le chou s’assouplira, tout comme votre conscience politique –  au bout de 10 mn (vous, ça prendra 6 semaines, minimum). Bien presser le chou avec vos mains désinfectées.

5. Retirez la viande et les légumes du bouillon, portez à ébullition et y faire cuire le chou. Après avoir médité sur cette phrase de Thomas Mann : « N’était-elle peut-être, elle-aussi (la vie), qu’une maladie infectieuse de la matière…»*, allez chercher vos pommes de terre.

6. Toussez un bon coup, épluchez les tubercules sus-nommés et découpez-les en cubes puis ajoutez-les à la soupe.

7. Dépiotez un peu de jarret de porc tout en sirotant un verre de vodka décoré d’une étoile rouge du plus bel effet. Une fois la viande massacrée, révisez vos « verbes de mouvement » russes, seulement ceux qui vont « d’un point A à un point B ».

8. Lorsque les pommes de terre sont bien tendres, ajoutez la viande et les autres légumes, les tomates concassées ou mieux, le jus de tomate maison que vous avez réalisé il y a environ 1 an, en août 2020, pendant les premiers mois du confinement.

9. Réchauffez le tout, servez avec quelques feuilles de persil plat et dégustez : Приятного аппетита !

Suggestion d’écoute : « l’hilarante » compilation « Echoes of a Red Empire : Russian Songs of Struggle From The Great Revolution & Second World War », idéal pour tous les camarades du Virus Suprême.

Le saviez-vous ? Le jarret de porc – dont le temps de cuisson dépend « de la viande » et de « l’âge de l’animal », le tout à feu très doux – et le jus de tomates maison (confectionné pendant la saison, pasteurisé et conservé dans des bocaux) étaient les produits basiques de la cuisine de chaque respectueuse хозяйка de l’époque soviétique !
Normal, ça leur évitait de faire la queue inutilement, prenez-en de la graine…

Il n’existait pas derrière le rideau de fer de « bouquet garni », le laurier et le poivre de Jamaïque étaient les seuls aromates exotiques ayant obtenu разрешение de figurer sur les tables soviétiques. Néanmoins, en cas de perestroika, c’est à dire de déconfinement, vous pouvez éventuellement utiliser le bouquet garni du déshonneur.
Vous pouvez également remplacer le jarret par 2 côtes de porc, ça fera moins occidental.