Don Cavalli : Interview

Quelques jours avant la sortie de son nouvel album, Temperamental, Don Cavalli nous a reçus chez lui, à la cool… Don Cavalli, Fabrice Cavalli de son vrai nom, c’est un personnage, inclassable, en dehors des modes, avec une voix pétrie de soul. Après le succès de Cryland, en 2008, l’attente a été longue, mais ce nouvel opus ne déçoit pas : un voyage improbable sur une highway imaginaire, entre Sud profond, hôtel des cœurs brisés et dunes de sable chantant… Interview.

www.horsdoeuvre.fr : Parlons un peu de ton nouveau disque, Temperamental (ici, la journaliste bafouille légèrement…). C’est également le titre du premier morceau de l’album et ça veut dire « capricieux », non ?

Don Cavalli : C’est dur à dire, hein ? Mais ça veut plutôt dire « changeant », « fantasque », c’est un mot facile à retenir, qui sonne bien, presque français. Ça résume assez bien l’album, mais aussi la vie en général. Changeant, capricieux, tu peux être comme ça, tout le monde peut être comme ça, la vie aussi.

HdO : Par rapport à Cryland, c’est vrai que l’ensemble est un peu moins homogène, avec des changements d’humeur marqués, dis-moi si je me trompe ?

Don Cavalli
Don Cavalli © Guillaume Lancestre

Don Cavalli : C’est surtout un album plus produit, on a essayé de s’amuser, de rajouter des petits détails, de ne surtout pas faire la même chose. À chaque fois, on me dit « tu fais du blues » et j’avais pas envie d’entendre encore ça ! Alors, on a essayé de faire un peu autre chose en ajoutant des boîtes à rythmes, de la cithare, du banjo, de faire quelque chose d’un peu plus pop.

Hdo : Tu trouves Temperamental un peu plus pop ?

Don Cavalli : Bah, plus pop que ce que j’ai l’habitude de faire, maintenant, je ne vais quand même pas te dire que c’est vraiment de la pop !

Hdo : Je te le confirme…

Don Cavalli : Tant mieux, tant mieux… Il y a quand même une continuité avec Cryland, on reconnaît quand même mon style. Au final, j’ai plutôt l’impression de jouer du rock’n roll mais avec d’autres couleurs, une autre palette…

HdO : Les étiquettes t’irritent ?

Don Cavalli : Carrément ! Mais les étiquettes, on t’en colle tout le temps. À mes débuts, j’ai tourné dans le milieu « garage – rock’n’ roll – fifties », du coup tout le monde pensait que je ne pouvais faire que ça. Dès que j’ai amorcé mon changement, ça a commencé à en décevoir certains. Moi, je ne veux pas d’étiquettes, je ne suis avec personne !

HdO : Parle-nous un peu de ces débuts…

Don Cavalli : Je joue depuis une bonne quinzaine d’années, j’ai traîné dans le milieu underground, écumé les festivals garage et rockabilly, déjà sous mon nom, comme ça y a pas d’embrouilles (rires). Mais j’ai toujours eu ce côté un peu country, un peu blues. J’adore le gospel, la soul, le reggae, les Brestois de Stand High Patrol, par exemple… Tout ça, c’est venu naturellement. À la maison, on n’avait pas la télé, mais on avait quelques disques. Très jeune, j’ai bloqué sur Ray Charles, Elvis, Little Richard, mais aussi Django Reinhardt…

HdO : Sans oublier le blues du delta, non ? D’ailleurs, que penses-tu de la phrase de Wim Wenders à propos de Skip James ou Blind Willie Johnson : « These songs mean a world to me » ?

Don Cavalli (méditatif) : Ouais, c’est bien ça… Moi, je suis autodidacte, alors la voix, le style, c’est venu tout seul. J’écoutais plein de disques, je grattais sur ma guitare, c’est un don de Dieu (rires). Mais ce que j’admire vraiment chez ces bluesmen-là, c’est leur sincérité. Il n’ y a rien pour flamber, c’est de la musique sauvage sans besoin de hurler

HdO : Mince… Tu ne crois pas que tu risques de rencontrer le diable à la croisée des chemins, comme  Robert Johnson ?

Don Cavalli (hilare) : Ah mais, je l’ai peut-être déjà croisé ! Mais je ne vends pas mon âme, pas même au diable… ou alors si c’est fait, je ne m’en suis pas rendu compte !

HdO :  Ce qui expliquerait ton succès aux États-Unis ?

Don Cavalli : C’est plutôt parce que j’ai fait la première partie de Ben Harper ! Il avait entendu ma musique et son manager – qui a son propre label indépendant, Everloving – avait également apprécié, ce qui m’a permis de sortir Cryland aux States, de faire une tournée en Californie, et surtout de lancer le disque en France. Tout le monde voulait l’avoir alors qu’il n’avait jusqu’alors pas fait beaucoup de bruit. Dommage quand même…

Don Cavalli
Don Cavalli © Guillaume Lancestre

HdO : Et les Black Keys, dont tu as assuré la première partie à Paris en 2008 au Bataclan, comme ça s’est passé ?

Don Cavalli : Apparemment, Dan Auerbach avait demandé les dernières nouveautés à son disquaire dans l’Ohio, ce à quoi l’autre aurait répondu en lui tendant Cryland : « Vas-y, écoute ça, c’est super ! » Du coup, lorsqu’ils sont passés à Paris cette année-là, ils m’ont demandé de venir au dernier moment. Attends, j’avoue, je ne connaissais même pas les Black Keys… Depuis, Dan Auerbach produit des gens comme Hanni El Khatib avec qui je vais enregistrer un morceau

HdO : En voilà, une bonne nouvelle !

Don Cavalli : Oui, ce sera un single inédit… Apparemment, Hanni est fan de ce que je fais, il est venu récemment à Paris et on s’est rencontrés par l’intermédiaire de la maison de disques. Je lui avais déjà balancé deux trois compos ; on se voit le vendredi et on entre en studio le samedi ! Je lui demande ce qu’il veut faire, je le sens un peu timide, un peu hésitant… Alors j’insiste, je lui dis : « Mais il y a bien un truc parmi ce que je t’ai envoyé qui t’inspire ? » Et il finit par avouer qu’il veut écrire une chanson avec moi… Mais c’est que ça prend du temps, d’écrire une chanson ! Enfin, c’est ce que je croyais… Il a commencé avec une phrase, j’imaginais la suite et ainsi de suite. Finalement, on l’a composée en deux heures et on a enregistré les démos. Il a rapporté tout ça chez lui pour travailler sur les arrangements et on va enregistrer nos voix séparément. J’aurais préféré ne faire que les chœurs, mais apparemment il tient à ce que ce soit un vrai duo

HdO : Je me demande si on y sentira l’influence de la musique chinoise, ce qui est le cas dans plusieurs morceaux de Temperamental. Tu as remarqué, je le prononce déjà mieux ?

Don Cavalli : J’adore la musique chinoise ! Mais en fait je ne la connais pas vraiment… Parfois j’imagine des mélodies « chinoises », mais attention, chinoises à la Don Cavalli ! Même dans un restaurant chinois, la plus petite chanson me charme, je trouve ça super. Mais j’ai galéré pour trouver une chanteuse, je te le dis ! J’en avais bien trouvé une, dans le métro ; elle m’avait donné son numéro et puis quand je l’ai rappelée, elle ne voulait plus me parler. Bon, c’était une vraie Chinoise, une du bled… Après j’ai fait les restaurants du 13e arrondissement mais je n’arrivais jamais à en attraper une ! Heureusement, on a fini par m’en trouver une à qui j’ai envoyé le texte en anglais. Elle a ensuite imaginé des paroles d’après la mélodie. En revanche, sur scène, c’est Emiko Ota, une batteuse japonaise, qui l’interprétera dans sa langue.

HdO : La vidéo de The Greatest vaut son pesant d’or, c’était ton idée ?

Don Cavalli : Non, je ne suis pas très porté sur la vidéo, mais c’est vrai qu’elle est marrante. Le côté karaoké, kitsch, « tout va bien, tout est love » et puis tout à coup…

HdO : Les histoires d’amour finissent mal pour Don Cavalli ! Ton deuxième duo, Say Little Girl, est tout aussi meurtrier !

Don Cavalli : Mais là c’était différent, je connais très bien Rosemary[1]. Vincent Talpaert, qui a produit, arrangé l’album et joue de la basse avec moi, est le batteur de Moriarty, dont j’ai fait plusieurs fois la première partie. C’est vrai que l’histoire d’amour dans cette chanson ne finit pas très bien non plus…

HdO : Le moment de prier Santa Rita, la patronne des causes désespérées, et un excellent titre également extrait de Temperamental ?

Don Cavalli (se levant, sourire aux lèvres, fouillant dans son portefeuille et montrant des images pieuses) : J’adore sainte Rita, elle est tout le temps avec moi, elle ne me quitte jamais ! Et la chanson en question, c’est une histoire vraie… J’ai perdu mon amour, alors j’ai dédié cette chanson à sainte Rita et elle est revenue… It’s a miracle (rires) ! Non, vraiment, ça marche… « Rita, send my baby back to me ! »

Don Cavalli, Temperamental, sortie le 18 février chez Rag / Because


[1] Rosemary Standley, chanteuse de Moriarty