Art Rock : 26 mai 2012

Deuxième jour de festival… Alors que le marché envahit les rues de Saint-Brieuc, le soleil s’attarde sur la ville, et les festivaliers, encore un peu groggy de la veille, font progressivement leur apparition. Les plus courageux d’entre eux, trop peu nombreux hélas, auront eu la bonne idée d’aller voir Rock da Breizh, documentaire édifiant sur la culture rock à la bretonne. Les autres, des huîtres, quelques verres de muscadet ou de bière dûment avalés, attendent sagement que l’on ouvre les portes de la Passerelle.

Honneur aux Briochins d’Acapulco 44, venus présenter les titres de leur nouvel album, Haunting Movies. Du grand méchant rock indé, rythmiques binaires et influences naviguant entre Radiohead et Bloc Party (sic), ou Eels, dont ils feront d’ailleurs une reprise à la fin du set. Concert gratuit, comme pour Nadeah où l’on vient en famille. Mais oui… Un bon gros son qui ne fera pas peur à une tripotée de charmants bambins collés à la scène, les doigts dans les oreilles, tout de même…

Allez hop, un petit détour par le village pour s’assurer du menu Rock’n Toques du jour (le burger Turlututu de Thomas Dutronc ne semble plus au programme, dommage, on l’aurait bien « testé pour vous » !), le temps de baguenauder de-ci de-là et de constater l’accumulation de vilains nuages et la chute libre des hirondelles, d’essuyer une averse et d’invoquer Belenos, et voici Ibrahim Maalouf. La foule est moins nombreuse, enveloppée de vêtements de pluie, mais l’élégance du trompettiste et pianiste de jazz franco-libanais réussit l’impossible. On retient son souffle, le public chante, hypnotisé et conquis. Le musicien dialogue, plaisante parfois, séduit avec grâce et gentillesse : « Si vous tous qui êtes là, achetez mon dernier album, j’en aurai vendu plus que dans toute ma vie ! » On met la main au portefeuille, pris d’une envie soudaine, mais l’acheter où ? Les musiciens qui l’accompagnent sont exceptionnels… Le ciel se dégage, Belenos a entendu…

Et puis voilà Moriarty. Un grondement se fait entendre lorsque la ravissante Rosemary Standley fait son apparition, flanquée de ses « frères » Moriarty. Rouge, la veste de Rosemary, qui s’effeuille au fur et à mesure du show, provoquant des hululements du côté de la gent masculine. Surprenant comme ce groupe que l’on imagine si sage, entre ballades nord-américaines et complaintes mélancoliques, se déchaîne sur scène, emporté par l’harmonica fou de Thomas « Tom » Puéchavy. Mais ils nous détrompent vite : « Nous avons l’air gentil comme ça, mais nous sommes très en colère ! Marchez ! Au Canada, 500 000 personnes dans la rue ! » Oh, Jimmy… We Enjoy The Silence, délicate reprise de Depeche Mode, choisie par la pulpeuse brune aux yeux clairs en guise de reprise.

Le silence, il ne fallait pas s’y attendre, quelques heures plus tard, au concert de Rover. Cette fois, le public a payé sa place et entend bien être le plus près de la scène possible, surtout les jeunes femmes… Elles trépignent, l’impatience est palpable et l’écrasement en front row menace. Ciel, Timothée Régnier, déjà une rock star ? Il faut le croire… Il n’a pas plutôt fait son apparition qu’on frôle l’hystérie. Sans compter les « potes » autoproclamés et passablement avinés qui beuglent « Roooooover ! ». L’impressionnant dandy ne se démonte pas et enchaîne les titres de son album, visiblement concentré, mais les hurlements d’enthousiasme deviennent si bruyants qu’il finit par se dérider : « Pas de doute, on est bien en Bretagne ! » Malheureux, pas ça ! On pense à fuir pour ne pas périr écrasé, impossible. « La 11, la 11 ! » crie t-on à gauche de la scène. Full of grace, le « singer in the dark », face à autant d’adoration sincère, sourit…