Le rosé, star de l’été ?

« Il y a des globules rouges, il y a des globules blancs, peut-être qu’il y a aussi des globules rosés ? » Cette brève de comptoir, rendue célèbre par l’inénarrable Jean Carmet, n’a jamais été autant d’actualité.

Spritz en manque de spiritualité, Hugo sans Victor que l’on « sureaute » sous les persiennes étouffantes d’un bar trop pressé, French Aperitif revivifié à grands coups de tonic ou rosé piscine où surnagent plus de glaçons que de jus de la treille : le rituel de l’apéro, que l’on soit à Paname ou dans le Luberon (prononcer « Lubeuron » sinon c’est que vous n’en n’êtes pas), n’est pas toujours un succès.

Mais revenons au vin rosé (français). Les étrangers l’ont bien compris, les Français en sont gagas – la consommation de ce vin allant du gris à l’incarnat le plus soutenu ayant bondi de 53 % en 15 ans, rien que ça – et le consomment surtout à la belle saison. Sauf qu’en période d’inflation, le prix du dit-rosé, vinifié comme n’importe quel vin rouge et dont la couleur, plus ou moins claire, doit surtout à la coloration de son moût selon qu’il est plus ou moins en contact avec la peau des grains de raisin, a de quoi faire grincer des dents.

Entre 20 et 30 euros le Côte-de-Provence, 115 euros environ pour un rosé d’exception comme la cuvée Garrus du Château d’Esclans (dont ne nous dirons rien ici, à ce prix là, il nous sera difficile de goûter), mieux vaut s’y connaître pour tomber sur la bonne boutanche ! D’autant que le rosé, à notre connaissance, ne sera jamais un vin de garde, à part peut-être les bandol, comme le signale l’excellent article d’Ophélie Neiman paru dans Le Monde. Frais, acidulés, bien secs ou d’une sucrosité plus épanouie, les rosés ont désormais l’évanescence d’une belle journée d’été passée dans une station balnéaire chic. Car, à l’instar de certaines marques de parfum, la plupart des rosés montent volontairement en gamme mais surtout du côté du porte-monnaie : si c’est cher, c’est que c’est bien (bon). Mouais…

Pas étonnant après ça que de grands noms du show biz acceptent de prêter leur image à une marque ou un vignoble, même notre José Garcia national s’est prêté au jeu, c’est dire. Certains d’entre eux investissent même dans ce juteux commerce du rince gosier estival. Pour un déjeuner glamour, invitez donc Brad Pitt à votre table ! A défaut de céder à vos avances, son Château Miraval vous tournera un peu la tête, si vous ne le consommez pas avec modération, bien entendu. Le rosé, pas Brad, hein. Barbecue décontract et bonnes blagues entre vieux potos ? Laurent Gerra vous propose sa cuvée mariant délicatement le grenache et la syrah ! Foin du mauvais esprit, cette poilante cuvée du Château Sainte-Croix* s’est tout de même vue récompensée d’une médaille d’or au concours agricole 2023 de la foire de Brignoles.

Alors, à quand le rosé Barbie ? Heureusement notre soro-poupée ne boit pas d’alcool, sinon… Mais « I should be so lucky, lucky » ? Rabattez-vous sur la cuvée Kylie Minogue du château Sainte-Roseline, apparemment 2021 était un bon cru. Notes de fleurs blanches et touches d’agrumes, le pamplemousse rose en tête, il magnifiera la salade César et les tomates mozzarella ! A 72 euros le coffret, très peu pour moi. Comprenez-moi bien, je n’ai rien contre ce genre de partenariats bien ficelés, contre la bonne bouteille « market fit » ni contre ces cuvées amusantes que l’on s’offre entre amis comme des clins d’œil ensoleillés ou des private joke bien arrosés.

Mais le vin rosé, me semble t-il, ce n’est pas cela. Bouteille fraîche cachée à la fontaine, robe de soie pétunia, gorge de pigeon ou pétale de cerisier, le rosé se débouche en fin de matinée ou le soir, lorsque la température commence à baisser. Modeste, discret, il s’invite sur le pas de votre porte, et s’échange parfois contre des figues ou un pot de confiture. Il se peut même qu’il fleure bon l’abricot. Simple ou plus élaboré, qu’il soit de Loire, de Gironde ou de Provence, il rafraîchit sans vous ruiner et se goûte avec gourmandise et sans hâte, comme une journée de paresse au cœur du mois de juillet.

*Oubliez le yoga et le gaz hilarant, pour vous rouler par terre à coup sûr (de rire), le Château en question vous propose également un vin Pilou-Pilou et un rosé Mort de Rire. Ciel…