The Van Jets, belge interview

Des êtres étranges venus d’une autre planète. Leur destination: la Terre. Leur but : en faire leur univers. Les Van Jets, je les ai vus. Pour moi, tout a commencé par une nuit sombre, le long d’une route solitaire de campagne… Enfin, pas tout à fait, mais prenez garde, avec leur album Halo, The Van Jets ont de quoi envahir la planète pop ! Depuis, ils ont d’ailleurs récidivé avec le non moins excellent Welcome To Strange Paradise (avril 2015). Interview made in Belgium.

www.horsdoeuvre.fr : Curieusement, vous êtes très populaires en Belgique, mais encore relativement inconnus chez nous, pouvez-vous nous en dire plus sur « l’énigme » The Van Jets ?

The Van Jets InterviewJohannes Verschaeve : Je joue depuis toujours de la musique avec mon frère, Michaël, et Frederik est un ami d’école. Nous avons commencé à jouer sans ambition aucune ; nous voulions juste expérimenter de nouvelles – et jolies – chansons. Wolf est devenu un Van Jets deux ans environ après la formation du groupe, en 2007. Je l’avais vu jouer avec son groupe, Waldorf, dans un café gantois et j’ai été  blown away  par son style à la guitare. Les Van Jets ont commencé par un manifeste qui exprimait notre désir de jouer du rock garage mais avec de jolies mélodies. Il y avait beaucoup de groupes sur la scène gantoise qui jouaient du surf, du rock’ n’ roll. Beaucoup de son, sans lignes mélodiques véritables. Moi, au contraire, je voulais combiner les deux : chansons et dangerosité du son rock. Nous sommes restés fidèles à ce principe.

Hdo : Est-ce une spécificité de la scène gantoise d’être assez loud ?

Johannes Verschaeve : Aujourd’hui, c’est un peu différent mais c’est vrai qu’il y a eu une vague surf avec des groupes comme les Fifty Foot Combo par exemple ; tous ces gens en « froufrous noirs » tu vois…

Hdo : Comment expliques-tu ce genre d’engouement ?

Johannes Verschaeve : Je ne sais pas… Il y a un café légendaire à Gand, le Pink Flamingo’s, un endroit très kitsch où se réunissaient artistes et musiciens, tout a dû partir de là.

HdO : Halo est votre troisième album mais le premier à bénéficier d’une véritable promotion en France. Est-ce que, conformément aux mythes du rock, sa conception a été difficile ou pas du tout ?

Johannes Verschaeve : Le deuxième album, Cat Fit Fury!, a sans aucun doute été le plus difficile à enregistrer. Au fond, c’est facile de faire un premier album, personne ne te connaît. Mais il se trouve qu’Electric Soldiers a eu un peu de succès et a généré beaucoup d’attentes. Pour le troisième, on s’est du coup beaucoup plus amusé, la pression est retombée.

Michaël Verschaeve : Oui, nous existons depuis 2004 – ça fait maintenant bientôt dix ans -, et nous avons beaucoup évolué. Au début, sur le premier album, c’était « guitare, guitare, guitare » et garage rock. Puis est venue l’influence du Glam, de T-Rex et de David Bowie, des choses comme ça. Halo est plus rythmique, nous avons également introduit des sonorités électroniques. C’est plus pop, plus dansant.

HdO : Le glam, Bowie, Iggy Pop, sont des influences que vous aimez citer. Est-ce qu’il y a d’autres artistes que vous aimez écouter ? D’autres groupes belges, par exemple ?

Johannes Verschaeve : Il y a un bien un groupe belge… TC Matic, le groupe d’Arno, originaire d’Ostende, comme nous… sauf Wolf. TC Matic a eu une influence immense sur la scène rock belge et Arno est « la bête » !

HdO : Tout de même, TC Matic, et Arno, aussi génial soit-il (ndlr : il l’est ! On vous l’a déjà dit après l’avoir vu sur scène : Dieu est belge…), ne peuvent pas expliquer la prolifération de groupes rock de qualité. Vu de l’autre côté de « la frontière », ça dépasse l’entendement !

Johannes Verschaeve : La raison en est que la Belgique est si petite que nous subissons beaucoup d’influences étrangères : américaine, britannique, française, etc. Nous n’avons pas à nous plier aux exigences d’une culture en particulier. Nous sommes libres de faire ce qu’il nous plaît et de nous transformer, comme… un caméléon – c’est ça le mot en français ? –, qui adopte et mélange les couleurs qui l’entourent sans avoir d’identité propre. En France et en Angleterre, je ressens vraiment cette appartenance à une culture forte alors que nous, nous sommes une sorte de carrefour au cœur même de l’Europe.

Michaël Verschaeve : Et TC Matic était justement un mix de « white funk », de new wave, de chanson française, et de tas d’autres choses, ce qui est typique du rock belge.

HdO : Sur Halo, vous avez collaboré avec Jeroen « Papillon » De Pessemier (ndlr : les patronymes belges méritant quelques cours de diction, nous dirons « Papillon » tout court.) des Subs ? Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Johannes Verschaeve : Il habitait également à Gand où il faisait partie du « cercle électronique ». Papillon, c’est une figure, un visionnaire, un être à part. La première fois que je l’ai vu, c’était à la télévision et il était entièrement habillé en jaune, comme un canari, et lorsqu’il parlait, on aurait dit un savant fou. J’ai tout de suite aimé le personnage, alors je lui ai demandé s’il voulait produire notre album. L’idée lui a plu et même si au départ combiner le son des Van Jets avec les Subs pouvait sembler risqué, j’ai adoré notre collaboration. Papillon a des méthodes, une créativité complètement différentes de ce que nous faisons d’habitude et c’était pour nous quelque chose de très fresh. C’est grâce à lui que nous avons enregistré dans le studio parisien de Philippe Zdar, de Cassius. C’était super, de se retrouver comme ça dans une ville exotique…

Michaël Verschaeve : Oui, l’atmosphère de Paris nous a beaucoup aidés. C’était seulement notre musique, le studio et Paris : c’est excellent pour la concentration.

HdO : Avez-vous ressenti une énergie parisienne ?

Michaël Verschaeve : Oui, nous étions à Montmartre, on se promenait tous les matins, on a même goûté la baguette du président ! Tu sais, celle qui a remporté le concours (rires) ! Quant à Philippe Zdar, il est passé plusieurs fois au studio, il est… très français…

HdO : Ouh là, explique-moi un peu ce que c’est d’être « très français » ? (rires)

Michaël Verschaeve : C’est être très charmant, très chaleureux… Toute l’équipe était d’ailleurs très française !

HdO : On parle souvent de vous en employant les mots de Belpop (ndlr : contraction de Belgian Pop) ou de Art Pop. Et c’est vrai que lorsque l’on vous écoute, et surtout lorsque que l’on regarde vos vidéos, Danger Zone en particulier, on est souvent marqué par le côté arty, visuellement très recherché, par la mise en scène.

Johannes Verschaeve : Pour cette vidéo, nous avons collaboré avec un ami gantois, Wim Reygaert. C’est lui qui a réalisé le film en forme d’hommage à David Bowie, RSWX presents Dave, mixé par les frères Dewaele, du groupe Soulwax. Il a eu l’idée de cette scène de théâtre avec des personnages décalés mais ce personnage de la chanteuse du film de David Lynch, Mudlholland Drive, c’est moi qui voulais l’interpréter. Dans le film, elle chante du fado dans un club, je crois que c’est le Silencio, elle s’écroule sur  le sol, mais sa voix continue (il module en guise d’illustration) : je trouve que c’est une scène très forte. J’ai juste injecté l’idée dans la vidéo. J’aime penser visuellement lorsque je fais de la musique car j’apprécie les artistes qui… (il cherche ses mots en français) « donnent à manger à la phantasy », qui travaillent en dehors de la réalité. Par exemple, j’aime Neil Young mais Neil Young est Neil Young, et personne d’autre… Alors que des gens comme Beck, comme Grace Jones – elle est fantastique –, créent un univers unique. J’essaie de suivre leur exemple.

HdO : Tout ça est en effet très cinématographique ! J’ai d’ailleurs lu que vous projetiez des films d’un genre, euh, particulier, pendant l’enregistrement de Halo ? The Colour of Pomegranates de Sergei Parazdhanov, par exemple…

Johannes Verschaeve : Oui, c’est un film très étrange…

Michaël Verschaeve : En fait, nous avions une chanson tout aussi bizarre à enregistrer, et projeter en même temps ce film nous aidait à être dans le bon trip. À chaque chanson, nous avons cherché un film dont l’univers visuel, émotionnel, pourrait correspondre. Par exemple, pour le côté aérien et rêveur de Mystify, nous avons passé un documentaire sur l’Arctique.

Johannes Verschaeve : Notre but était de baigner dans une atmosphère irréelle, surréaliste, pareille aux rêves, et de se retrouver… comme des petits garçons en train de jouer*. C’est ça la musique…

HdO : Celle des Van Jets en tout cas…

*Avis aux lecteurs qui auraient acheté le disque (avec une vraie pochette !), les Van Jets vous conseillent de le placer sous une source de lumière puis de plonger la pièce dans le noir. Essayez, vous comprendrez le sens du mot Halo !

The Van Jets tourneront en Belgique et en Hollande en mai / juin 2015 : http://www.thevanjets.be/