Christophe Michalak interview

Bousculer les codes traditionnels de la pâtisserie, revisiter les classiques, démystifier la profession : telle est la vocation de Christophe Michalak, l’un des meilleurs pâtissiers de sa génération avec Christophe Adam et Pierre Marcolini. À 40 ans à peine, ce bosseur hyperactif œuvre aussi bien au Plaza Athénée qu’à la télévision et a ouvert récemment sa propre boutique ainsi que sa Masterclass, où les becs sucrés peuvent désormais apprendre à ses côtés ses délicieuses recettes inventives. Rencontre avec un homme généreux et bien dans son tablier, qui vous donnera certainement envie de moderniser vos fêtes de Noël en troquant la bûche pour un savoureux carrot cake !

HdO : Pourquoi avoir ouvert vos Masterclass et Takeaway ?

Christophe MichalakChristophe Michalak : J’ai eu envie de démystifier notre métier, de le rendre accessible à tous. C’est par ailleurs la raison pour laquelle j’ai développé plusieurs émissions TV autour de la pâtisserie. Je voulais aussi créer mon propre univers, un espace unique en son genre qui me ressemble. Le Takeaway correspond en effet à ma vision de la pâtisserie, plus ludique, plus moderne et enfin désacralisée. Cela fait ainsi longtemps que je réfléchis à ce que devrait être la pâtisserie de demain.

HdO : Et quelle est  votre vision de la pâtisserie du futur ?

Christophe Michalak : La pâtisserie, dans les dix ans à venir, sera plus saine, plus simple, moins sucrée, moins grasse, plus percutante et avec plus de traçabilité. J’essaie d’en être le précurseur. J’étais déjà un précurseur des gâteaux très haute-couture, très siglés, et désormais, je bannis tout ça. La pâtisserie de demain, ce sera un peu comme la cuisine : il y a quelques années, la cuisine était très « prout prout », on avait l’impression de rentrer dans une église quand on allait au restaurant. Dans certains lieux, on retrouve toujours cette ambiance. C’est tout ce qu’il ne faut plus faire. Maintenant, c’est très décontracté, plus besoin d’avoir une cravate, un costume, pour se rendre dans un restaurant trois étoiles : on a désacralisé tout ça. Je pense que la pâtisserie va prendre le même chemin et se décomplexer à son tour. Moi je rêve de faire juste un carrot cake, nappé avec une très bonne crème chantilly, parfumée avec de la verveine ou autre chose et avec des petites carottes en pâte d’amande : pour moi, le gâteau du futur ce serait peut-être ça, un carrot cake, mais le meilleur ! Le meilleur que tu aies jamais mangé dans ta vie. Un joli carrot cake au lieu d’un gâteau au chocolat avec des décors, des macarons…

HdO : Pour vous, ce serait donc revenir à plus de simplicité ?

Pâtisserie MichalakChristophe Michalak : Absolument. Je vais à ce sujet vous donner deux exemples très différents. Tout d’abord, je voudrais vous parler d’Alain Passard. Passard : c’est un type qui fait une cuisine très simpliste autour des légumes et qui a eu trois macarons Michelin. Quand on va chez lui, on a une assiette avec aucune fioriture. La dernière fois, j’ai pris un plat avec une sorte de sauce, et dessus, une émulsion au tarama. Point. Tu regardes l’assiette, c’est un sketch. Quand tu le manges, tu prends une claque. Alain Passard, avant d’avoir fait ça, il faisait du feuilleté sur mesure, une cuisine très technique. À mon avis, il a dû avoir le sentiment, à un moment donné, de tourner en rond, et c’est là que son propre style a vu le jour. Et en parallèle, je voudrais aussi illustrer mon exemple avec les arts martiaux, – je suis un fou de sport de combat : quand tu es un jeune karatéka, tu donnes des coups de pieds partout, tu es très chorégraphique alors que quand tu es pro, tu vas d’abord étudier ton adversaire, tu vas juste lui porter un coup et la chose est pliée. Avant, tu es dans le spectaculaire, après tu es dans l’efficacité. Quand on a compris ça, on a tout compris. Le plus important, quand tu vas manger, ce n’est pas le service qu’il y a autour avec les cuillères en argent et tout le tintouin, c’est l’émotion que ça va te procurer. Moi je peux avoir une émotion sur un brownie, le truc le plus lambda de la terre…

Chocolat MichalakHdO : Quels sont les chefs pâtissiers que vous admirez le plus ?

Christophe Michalak : Il y en a un qui a été pour moi un précurseur, un modèle, dont j’admire les créations et qui me pousse souvent à me remettre en question, c’est Philippe Conticini. On s’aime beaucoup, c’est super excitant d’avoir un mec comme ça dans notre métier, c’est fantastique. Cela me rappelle une anecdote : j’ai élaboré, il y a quelques années, un paris-brest, non pas en l’envisageant comme la roue du vélo mais comme une route sinueuse, qui est en fait à l’origine de cette pâtisserie. Il était donc en forme de snake, très fort en noisette, avec une crème diplomate bien parfumée, tout en étant très léger et avec peu de matières grasses… J’en étais satisfait. Et Continici, à la même époque, a sorti son fameux paris-brest… Je l’ai goûté et j’ai pris une claque. Je n’en ai pas dormi… Qu’un mec ait pu faire un truc aussi bon ! Le lendemain j’ai bossé toute la journée, en gardant en mémoire l’émotion que j’avais ressentie en découvrant son œuvre, tout en restant dans mon style. Moi, ce que j’aime, c’est le praliné noisette, uniquement à base de noisettes. Et pas celui à base d’amandes et noisettes. J’ai donc retravaillé un vrai praliné noisette, j’ai ajouté de la fleur de sel, j’ai fait une crème pâtissière avec juste un peu de beurre parce que je n’aime pas quand c’est trop gras, j’ai parfumé avec le praliné, j’ai associé aussi de la pâte de noisette, j’ai bidouillé mon truc, on l’a sorti et… Waouh, on était passé au-dessus ! Et là j’appelle Conticini et je lui dis : « Merci de m’avoir donné une leçon ! Grâce à toi, maintenant, j’ai mis la barre très haut. » Jamais je n’irais demander la recette d’un confrère, j’ai trop de respect pour ça : ce que j’aime, c’est revenir sur une recette en me disant, là j’ai pris une claque, et j’essaie de faire mieux. Et c’est cette excitation, cette émulation, qui fait que ce métier est génial, et qu’il faut le garder comme ça.

HdO : D’où vous vient justement cette passion pour votre métier ? Votre maman cuisinait beaucoup ?

Christophe Michalak : Non, pas du tout, elle n’avait pas le temps. Ma mère travaillait sans arrêt : elle était infirmière et faisait aussi des ménages pour que je ne manque de rien. À la maison, c’était purée Mousseline et couscous déshydraté, je viens de très loin… Mais j’ai toujours été gourmand.

Pots de mousse en chocolat à emporterHdO : Quel est pour vous le secret d’une pâtisserie réussie ?

Christophe Michalak : Je prône la fraîcheur, rien que la fraîcheur, il n’y a pas un congélateur chez moi ! C’est d’ailleurs dans cette optique que j’ai imaginé le Takeaway : proposer des produits très frais et élaborés chaque jour, que l’on peut emporter et manger facilement dans la rue. Ce qui est super excitant avec le Takeaway, c’est que l’on change quotidiennement de Fantastiks et de Cosmiks. Il y a juste la mousse au chocolat qui ne bouge pas : j’ai dû faire 350 essais de mousse au chocolat avant de m’arrêter à celle-ci et c’est la mousse au chocolat de mes rêves. Elle est très alvéolée, très souple, avec une puissance gustative époustouflante, j’ai vraiment fait la mousse au chocolat que je voulais manger et j’en mange une tous les midis.Tant que j’en mangerai une tous les midis, je la veux tous les jours dans ma boutique ! Le reste, on change, on se fait plaisir.

Cassettes MichalakHdO : Vous avez créé des K7 vidéo et audio en chocolat : la musique vous inspire-t-elle ?

Christophe Michalak : La musique m’inspire, je me suis toujours évadé avec elle. Quand j’étais à l’école ou quand je cours le marathon de Paris, j’ai toujours une musique dans la tête, c’est le moteur de ma vie. Ici, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais… vous entendez ou pas ? On a de la musique, dans la boutique, et on peut régler le son comme on veut. J’arrive le matin, et hop, musique ! Plutôt pop rock et funk.

HdO : Quels sont les groupes que vous écoutez en ce moment ?

Christophe Michalak : J’ai eu un vrai coup de cœur pour M. J’ai été voir son concert il n’y a pas longtemps et j’ai été bluffé. Sa générosité, la façon dont il parle, le fait qu’il soit un peu timide, qu’il mette une « armure » sur scène… Comme moi : je suis aussi timide, mais je le cache bien, maintenant !

HdO : Vous n’auriez pas envie justement de faire une création autour de l’univers musical de M ?

Christophe Michalak : On m’a longtemps demandé des gâteaux personnalisés, pour Jean-Paul Gaultier notamment, mais dès que tu commences à faire un gâteau avec un petit décor, tu sors du goût, tu restes dans un côté un peu Lego, c’est un peu chiant… Bien évidemment si tu as une musique qui te parle… Pour revenir aux groupes qui m’inspirent, il y a aussi U2. Je suis un vrai fan de ce groupe emblématique. U2 a su vivre avec son temps mais aussi évoluer. Il y a une super vidéo, qui s’appelle Rattle and Hum, c’est un DVD qui était sorti à l’époque de leur album Joshua Tree : tu vois Bono avec ses copains, tout le monde rigole, tout le monde est content, et lui vachement sérieux il fait : « Eh les gars, on fait quoi demain ? On fait quoi ? Vous ne trouvez pas que l’on fait toujours la même chose, là ? »  C’est l’éclair de génie : à un moment donné il faut savoir se remettre en question et je trouve ça royal.

 

Michalak Masterclass / Boutique TakeAway
60, rue du Faubourg-Poissonnière
75010 Paris (M° Cadet, Poissonnière, Bonne-Nouvelle, Grands-Boulevards)

www.christophemichalak.com

 

5 avis pour “Christophe Michalak interview

  • 18/01/2014

    Whaou, la classe cette interview, bravo !!!

  • 26/12/2013

    Super interview
    Bravo

  • 23/12/2013

    Un gars vraiment extraordinaire

  • 20/12/2013

    On apprend plein de choses ! Même en interview, Christophe Michalak a l’air très sympathique. Et c’est super : je cherchais une claque de Paris-Brest. Il confirme donc le classement des meilleurs Paris-Brest selon le Figaroscope : +1 pour Philippe Conticini et sa pâtisserie des rêves ! +++… pour HdO !

  • 20/12/2013

    Super l’interview,j’ai adoré!!!
    Vive le carrot cake !!!!

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