Binic Folks Blues Festival 2017 – Jour 3

Tim Presley est définitivement porté disparu. Ah non, il paraît qu’il a loupé son ferry et a été remplacé au débotté par Gentle Ben and His Shimmering Hands. Damnation, les frères Corbett sont définitivement partout et là, mon gamin, gare aux acouphènes ! Toujours pas de trace du sosie de King Khan, Théophraste est déçu.

Binic Folk Blues Festival 2017 - Jour 3
Binic Folk Blues Festival 2017 – Jour 3

A 15h30 précises, nous voilà devant la scène Pommelec pour le Villejuif Underground. Oui, vous avez bien lu, Villejuif, pas Velvet. Même s’il y a dans la voix de Nathan Roche, le sympathique et charismatique leader du groupe, un petit quelque chose de Lou Reed, ou de Mark E. Smith, quand il ne chante pas la tête cachée sous sa veste. Pour être honnête, on ne s’attendait pas à ça, apparemment lui non plus. « Merci beaucoup, c’est incroyable ! », c’est la foule qu’il remercie, pas nous, mais on s’en fout. « Et n’oubliez pas, venez voir King Khan ce soir ! ». La dite foule s’écarte et quelqu’un qui ressemble à s’y méprendre à Arish Ahmad Khan fait un salut de la main. Il a beau avoir un chapeau indien à paillettes, des lunettes et autour du cou, ce qui ressemble à des fétiches vaudou, pour ma part, je n’y crois pas du tout.

Bouleversés par tant d’émotions, nous consentons à nous plier à un rituel on ne peut plus « binicien », l’apéritif à la plage ! Une bouteille de rosé plus loin, gobelets « Nef-des-fous » dûment vissés dans le sable, tout semble fin prêt quand tout à coup… Un tremblement de terre ? Non, c’est Six Ft Hick qui retourne la scène de la Banche, on en oublierait presque de mastiquer ses chips premier prix ! Enfants, c’est du swamp rock qui passe, sortez vos rouges tabliers !

Cash Savage & The Last Drinks © Cyrille Bellec
Cash Savage & The Last Drinks © Cyrille Bellec

19 h déjà, il ne nous reste plus qu’à courir de l’autre côté, car c’est l’heure du concert de Cash Savage & The Last Drinks, l’un des plus attendus, et qui plus est chaudement recommandé par Thomas Schoeffler himself : yes sir ! Las, il faut bien avouer que le bougre n’a pas menti… Cash Savage, si calme en apparence, se mue, dès qu’elle pose le pied sur les planches, en une véritable bête de scène. Il y a du Odetta dans cette femme-là, et du Nick Cave aussi. Sa présence, sa chaleur, renforcée par sa voix grave, ample et presque androgyne, vous font venir le blues, de celui qui crie Rat-A-Tat-Tat pour ne pas montrer sa peine. On a beau être tatoué, ça n’empêche pas d’avoir les yeux sensibles, d’ailleurs certains se les essuient discrètement.

Après ça, il faut au moins un remontant, alors tant pis pour les Druids Of The Gué Charrette – ça ne s’invente pas –, qui rien que pour leur nom mériteraient qu’on y jette un coup d’œil. Que nenni, on attendra 23h et l’apothéose finale, la cerise sur le gâteau, le saint Graal : Mr Supernatural en personne, j’ai nommé King Khan ! La nuit est tombée et nous voilà, on ne sait comment, sur l’un des échafaudages qui surplombent la grande scène. Une foule monstrueuse roule vers la Banche, toujours plus nombreuse ; Theophrase retient son souffle, moi aussi.

King Khan & The Shrines © Cyrille Bellec
King Khan & The Shrines © Cyrille Bellec

Et puis soudain, ça y’est, il est là, avec sa foule de musiciens, dans son costume blanc, Elvis improbable à la sauce Bollywood, maharadjah délirant et super-héros de la punk attitude. Ils sont bien une dizaine autour de lui, à souffler dans des saxs, à agiter des tambourins, à chanter, à danser, à faire rugir le clavier, et surtout à déverser des tonnes de soul sur une foule prise tout à coup de convulsions irrépressibles. Bonhomme, le Khan – car c’était bien lui -, nous fait part de ses préférences gastronomiques : « J’ai mangé une centaine d’huîtres, je ne veux plus jamais partir de Binic ! ». Je diagnostique intérieurement une intoxication collective à l’ergot de seigle quand tout à coup, entre deux America Godamn, So Wild ou I Wanna Be A Girl (dédié « à tous les transsexuels ») je découvre que c’est la fin, la mienne. Pitié malheur, je suis condamnée, j’ai des hallucinations auditives !

« Porcherie !!!!! » Qui, qui a dit ça ? C’est le King, c’est King Khan ! « La jeunesse emmerde le Front National ! » ; il chante les Bérus, sur un putain de groove ! Cette fois, la foule se soulève, rugit littéralement. L’hystérie est à son comble et l’échafaudage se met à tanguer, victime d’un enthousiasme délirant. Une fille se retourne vers moi et me crie, « je voudrais que ça soit mon père ! » ; il me semble voir distinctement le clavier se faire porter par la foule sur son instrument mais je ne suis plus très sûre. « Tu me le présentes, hein, dis, tu promets ? ». Théophraste promet de présenter Fredovich, qu’il ne connaît pas, à un parfait inconnu, probablement séduit par le superbe dahlia qu’il porte à la boutonnière. Visiblement, la fleur à soif.

Le fait que l’échafaudage soit encore debout tient du miracle et quand King Khan revient – il y a des changements de costume -, en gourou emplumé et cul nu (un voile pudique et gracieux laissant deviner une partie de l’auguste postérieur), toute retenue est abandonnée. Je ris tellement que je suis obligée de me tenir à la barre ; on tape, on gueule, on frappe du pied, quelqu’un s’exclame « c’est James Brown, c’est du funk, c’est de la soul ! ». Ben Corbett, hilare juste derrière moi, a l’air d’approuver. Et pendant que Cash Savage et ses Last Drinks se livrent plus bas à un sabbat endiablé, le leader du Villejuif Underground, debout sur un canapé, en est convaincu, Better Luck Next Time, le show doit se terminer.

Bouleversé, Theophraste se rue dans les coulisses et se jette littéralement dans les bras du Bouddha du rythm & blues qui, toujours emplumé et sourire aux lèvres, l’accueille comme le fils prodigue. « Ah, je ne devrais pas dire ça, mais je te suis depuis très très longtemps ». « La sagesse, mon fils, la sagesse* », lui répond le malicieux sadhu dans un français parfait – il est canadien -, en désignant son ventre généreux. Je m’apprête à immortaliser la scène quand soudain l’appareil photo s’éteint. King Khan se marre, c’est ça l’effet Binic.

A l’année prochaine !

* Un peu plus sérieusement, King Khan nous a confié qu’il devrait revenir au printemps prochain avec probablement The Villejuif Underground en première partie. Les deux groupes se produiront d’ailleurs à Rock en Seine, dimanche 27 août 2017.

Un grand merci à l’excellent photographe Cyrille Bellec pour ses magnifiques photos :

https://fr-fr.facebook.com/cyrille.bellec
https://myspace.com/cyrphotos

Et pour en savoir plus, une petite interview made in La Nef D Fous :

https://nefdfous.org/2017/02/28/quand-cyrille-bellec-te-raconte-son-dernier-festival-en-photos/