Monophonics : interview !

Juste avant un concert qui allait enflammer le Nouveau Casino, le 10 octobre dernier, le groupe Monophonics a accepté de parler à www.horsdoeuvre.fr de son album In Your Brain, de ses influences, de son amour du bon son… Une interview « funky to the bones » à déguster avec les photos d’un concert… énorme ! Pas nostalgique pour un sou, Monophonics ressuscite pourtant en live l’énergie et le charisme des plus grands groupes de l’histoire du rock.

www.horsdoeuvre.fr : Comment est né Monophonics ?

Kelly Finningan : J’ai rejoint le groupe il y a presque trois ans, mais ces deux gars-là (désignant ses acolytes Ian McDonald et Ryan Scott) l’ont créé il y a bientôt sept ans.

Ryan Scott : Nous avons commencé à jouer ensemble à l’université. À l’époque, nous nous appelions The Monophonic Orchestra. En général, nous étions quatre ou cinq, avec déjà une section cuivres importante. Puis Kelly est arrivé, assurant la partie chant et les claviers.

Ian McDonald : Oui, le nom du groupe vient d’un synthétiseur Moog… Une note après l’autre, un son après l’autre (rires). Bien sûr, l’allusion est un peu ironique.

Kelly Finnigan : C’est toujours très dur de trouver un nom de groupe, il faut que ça plaise à tout le monde, un peu comme pour le prénom d’un enfant (rires).

HdO : In Your Brain est votre premier véritable album ?

The Monophonics - Nouveau Casino © Guillaume Lancestre - Horsdoeuvre.fr
The Monophonics – Nouveau Casino © Guillaume Lancestre – Horsdoeuvre.fr

Kelly Finnigan : C’est en tout cas le premier auquel je collabore, mais il y en a eu deux autres auparavant. In Your Brain est néanmoins notre premier album véritablement produit, signé sur un label et distribué au niveau international.

Ian McDonald : Et c’est assurément celui qui fixe notre son de manière reconnaissable, celui qui porte vraiment notre marque. Donc techniquement, on peut dire que c’est notre véritable premier album, comme si nous étions un tout nouveau groupe.

Kelly Finnigan : Le son est différent, plus instrumental avec une influence jazz plus forte – voire boogaloo, tout dépend de comment on l’appelle.

HdO : On a l’impression d’un kaléidoscope sonore, d’un véritable carrefour d’influences…

Kelly Finnigan : Tout à fait, des influences par ailleurs parfaitement assumées. Lorsque nous avons enregistré le titre In Your Brain, nous étions dans une phase complètement funkadelic à la George Clinton, quelque chose entre le rock et la soul de Détroit et puis parfois nous tendons franchement plus vers…

Ryan Scott : Sly & The Family Stone, David Axelrod[1]

Kelly Finnigan : Foolish Love, par exemple, tend plus vers Norman Whitfield, The Temptations, l’esprit Motown et le psychédélisme. Say You Love Me est franchement influencé par la soul de Memphis, Al Green…

Ian McDonald : Sur Temptation, c’est plutôt Curtis Mayfield, Isaac Hayes…

Kelly Finnigan : Tout à fait, lorsque nous avons enregistré l’album, nous étions très conscients de ce que nous faisions, nous disant parfois : « Allons dans cette direction, nous adorons ces artistes alors suivons leurs traces. »

Ian McDonald : Une sorte d’hommage qui ne nous a pas du tout fait peur, à quoi bon tourner autour du pot lorsqu’on sait que c’est CE SON qu’on veut !

Kelly Finnigan : C’est vrai aussi que beaucoup de gens se lancent actuellement dans une sorte de panorama soul, tout le monde semble vouloir être Ike & Tina Turner, James Brown, ou faire du rock 60’s, etc. Nous, notre ambition, ce serait plutôt « Led Zeppelin rencontre James Brown », tu vois ce que je veux dire (rires) ?

The Monophonics - Nouveau Casino © Guillaume Lancestre - Horsdoeuvre.fr
The Monophonics – Nouveau Casino © Guillaume Lancestre – Horsdoeuvre.fr

HdO : Quelle est à la cause, à votre avis, d’un pareil revival, particulièrement marquant dans la production américaine ?

Ryan Scott : C’est tout simplement furieusement à la mode ! Il y a de nombreux clubs très importants à San Francisco, où les DJ’s passent des disques soul, de vieux 45-tours…

Ian McDonald : Et c’est plutôt drôle, car nous tous – au moins nous trois – avions des parents fans de soul, blues, rock et rythm & blues. Personnellement, j’aime cette musique depuis que je suis né et je la jouais déjà au lycée. Le fait qu’elle soit devenue populaire ne change rien !

Kelly Finnigan : Si ce courant actuel n’existait pas, nous ferions rigoureusement la même musique. Des productions comme celles de Daptone Records peuvent nous influencer, car elles sont fantastiques. Néanmoins, notre démarche est différente même si nous les respectons profondément. D’une certaine manière, ces maisons font un son qui a déjà été fait ; c’est une sorte de retour aux sources.

Ian McDonald : C’est drôle, mais lorsque nous tournions aux États-Unis, nous avons rencontré beaucoup de groupes soul qui autrefois faisaient du rock ! De là à dire qu’ils sont opportunistes…

HdO : There’s a Riot Going on… De quelle sorte d’émeute vouliez-vous parler ? Qui a écrit les paroles ?

Kelly Finnigan : C’est moi… Nous nous réunissons, composons ensemble la musique et j’essaie de coller à ce qu’elle dégage. Au départ, il s’agissait simplement de l’histoire d’une fille qui quitte un garçon, une histoire d’amour contrariée, en quelque sorte. Mais en écoutant plus attentivement la musique, j’ai voulu quelque chose de plus agressif, de plus engagé. Wall Street était occupé, il y avait des émeutes à Oakland, de l’autre côté du pont, juste en face de San Francisco ; la révolte grondait en Grande-Bretagne, en Égypte… Nous ne sommes pas un groupe politique, mais avoir une opinion me semble nécessaire ! Cela traduit juste ce que beaucoup de gens pensent.

HdO : Il y a trois reprises sur l’album, comment les avez-vous choisies ?

The Monophonics - Nouveau Casino © Guillaume Lancestre - Horsdoeuvre.fr
The Monophonics – Nouveau Casino © Guillaume Lancestre – Horsdoeuvre.fr

Ryan Scott (désignant Kelly Finnigan) : C’est lui qui a mis Bang Bang sur le tapis !

Kelly Finnigan : J’étais tombé sur la version de Bang Bang[2] par Betty Chung, une chanteuse pop chinoise des années 1960. Aux States, tout le monde a repris ce titre, mais il y a dans le son de Betty Chung quelque chose que nous voulions atteindre. Après, nous avons écouté Stevie Wonder, Vanilla Fudge, Sonny & Cher, Nancy Sinatra… Il y a eu tellement de versions ! Nous absorbons le tout, puis nous nous lançons dans notre propre interprétation. Thinking Black d’Ike Turner & The Kings of Rythm, tiré de leur album A Black Man Soul, est un titre dont nous sommes tous absolument fans… Quant au groupe The Lost Generation, originaire de Chicago, c’est typiquement le genre de groupes confidentiels – à moins d’être à fond dans la soul – que nous avons envie de faire connaître.

HdO : Votre son est très particulier, vous avez une approche très technique ?

Kelly Finnigan et Ryan Scott (de concert) : Définitivement analogique…

Ian McDonald : Avec des bandes, pour un vrai son en direct…

Kelly Finnigan : Du matériel et des instruments d’époque, surtout pour les amplis, les micros… L’approche est simple, je te donne un exemple : si tu entres en studio actuellement et que tu veux enregistrer, mettons, ta ligne de percussion, on va te brancher quelque chose comme vingt micros ! Nous, on n’en mettra que trois ! C’est comme ça que les Beatles ou la Motown enregistraient, sur quatre ou huit pistes, pas plus…  Le son est définitivement plus ample, plus chaleureux.

Ian McDonald : Poser des limites est souvent la meilleure manière d’avancer, de progresser…

Ryan Scott :  De faire du rock !

HdO : Donc, vous conseillez aux fans, si possible, d’écouter In Your Brain sur vinyle ?

Kelly Finnigan, Ian McDonald et Ryan Scott (en chœur) : Ouaaaais !

Ian McDonald : Sérieusement, le vinyle a ce son si particulier avec lequel nous avons grandi et nous espérons le restituer du mieux que nous pouvons.

Kelly Finnigan : Nous avons enregistré et produit l’album, mais notre ami Sergio Rios, d’Orgone[3], l’a mixé. Il a fait un travail fantastique !

Ian McDonald : Exactement, il nous a carrément bluffés ! On s’arrêtait parfois pour lui demander « Mais comment tu fais ça ? »

HdO : Jouer live est très important pour un groupe comme Monophonics. Votre approche est-elle la même pour un disque ?

Ryan Scott : Pour ma part, à la trompette, je travaille beaucoup la réverb’ pour un placement sonore optimal… Comme chacun d’entre nous d’ailleurs, afin de tirer le meilleur de nos interprétations respectives.

Kelly Finnigan : Nous savions que l’approche serait différente. Nous somme six sur scène et moins nous avons d’instruments, de pistes, plus nous gagnons en énergie. Sur le disque, il y a énormément de cuivres ; en concert, nous n’en n’avons que deux, mais qu’importe : on joue fort, ça « rocke » (rires) !

The Monophonics - Nouveau Casino © Guillaume Lancestre - Horsdoeuvre.fr
The Monophonics – Nouveau Casino © Guillaume Lancestre – Horsdoeuvre.fr

HdO : Votre tournée européenne est un succès. Votre ressenti ?

Kelly Finnigan : Dément !

Ian McDonald et Ryan Scott : À Hambourg, Berlin, c’était fantastique. Surtout à Berlin !

Kelly Finnigan : Le concert s’est transformé en une énorme « soul party » – six cents personnes en train de danser jusqu’au bout de la nuit. On aurait dit une rave mais avec de la musique soul… Incroyable !

Ian McDonald : Le respect, la manière dont nous avons été reçu en Europe sont incomparables. C’est comme un rêve pour nous, un rêve qui devient réalité : marcher dans les pas de tous ces musiciens de jazz qui sont venus dans les années 1960… C’est indescriptible et nous ne pouvons que dire merci…

www.monophonics.com
www.facebook/monophonics


[1]  Ndlr : Le producteur et musicien américain, connu notamment pour son travail avec Cannonball Alderley, pas le conseiller politique d’Obama !

[2] Ndlr : A écouter d’urgence !

[3]  Ndlr : Groupe de Los Angeles aux influences soul – funk hautement recommandable, également signé chez Ubiquity Records. Pour se faire une idée, tenter The Killion Floor, sorti en 2007.

Un avis pour “Monophonics : interview !

  • 24/10/2012

    Fantastic!

Comments are closed.