Xaya, vibrante gastronomie basque
Quand y suis-je allée pour la première fois ? Sur recommandation ou par hasard ? Seule ou accompagnée ? À déjeuner ou à dîner ? Je ne m’en souviens plus mais je n’oublie pas la pavlova glacée ou le poisson maturé, encore moins la sangria – selon moi la meilleure de Saint-Jean-de-Luz – avec sa profondeur de vin chaud.
Chez Xaya, ancienne cave à vins dont témoignent les murs voûtés, l’agriculture est paysanne, la pêche, responsable, comme l’indique son site Internet. Et en effet ! Un jour où j’ai eu envie d’exotisme local, de « finger food » façon tapas, je n’ai pas trouvé la friture de chipirons. Fréderic Grobost, propriétaire aussi discret que son adresse, m’apprit en venant prendre ma commande qu’il avait retiré le plat de la carte, malgré la demande touristique, celui-ci n’étant alors plus de saison.
On s’y connaît, chez Xaya, en produit frais, en poulpe et en Xipiron : son chef Benjamin Torrezan a été sacré champion du monde du chipiron farci !
La marée est de chaque menu. « ON EGIN » (Bon appétit !), en trois services, est bien alléchant mais, parce qu’il y manque le foie gras – un de mes grands péchés mignons, surtout dans la région -, je m’oriente vers « BIHOTZETIK » (du cœur). Le menu étant servi à l’ensemble de la table, il faut toutefois nous mettre d’accord, car nous sommes deux. Avec notre sangria en main (bien sûr, inévitablement !), c’est en revanche entendu : nous ne prendrons que la moitié des quatre verres proposés.

Xaya – Amuse bouche : Tartare de truite, fin crackers – Tempura de wasabi, anchois surprise – Tartelette châtaigne breuil de jb.maitia
Canapés, d’abord, pour notre soirée filles, à déguster dans cet ordre ! : chips de maïs grand roux, des terres du Pays basque, porc Kintoa, saindoux fumé et piment d’Espelette (harmonie des textures et des goûts, du persillé noisette et beurre de la viande) ; tomate lacto-fermentée, accra de sériole et estragon (ah, le parfum de cette herbe aromatique ! Une redécouverte qui tourne à l’obsession !) ; feuille croustillante de nori et œufs de truite ; pois chiches torréfiés et sumac vinaigrier, comme une bouchée libanaise un peu relevée. Le tout, surprenant, exquis et… gastronomique !
Place à la suite. Le Jurançon sec, sur la pêche, et le foie gras, qui arrive poêlé. Nous sommes étonnées mais nous ne devrions pas l’être : c’était bien écrit ! Nous avons seulement été trompées par notre amour inconditionnel du mi-cuit ! Dès la première bouchée, nous sommes conquises ! Fumé au foin, sur lit de crème d’ail confit et de mirabelles tatin, avec amandes fraîches, épeautre soufflé et feuille d’huître : c’est sans doute la meilleure entrée de la vie de mon accompagnatrice et ce n’est pas loin d’être la mienne. C’est incroyable, une révélation ! Toutes les nuances du fumé concentrent délicatement le caractère du canard. C’est d’autant plus extraordinaire que cette cuisson à feu vif n’avait jusque-là jamais vraiment séduit nos palais.
Ensuite, direction la mer avec un thon rouge « ikejime », autrement dit pêché selon une technique japonaise que l’on peut traduire par « mort vive »*, sans stress et sans souffrance, à l’opposé de la lente agonie cruelle sur le pont des bateaux. Au-delà de la préoccupation, essentielle, du bien-être animal, cette méthode préserverait l’aspect et la texture du poisson, relèverait son goût naturel.
Le thon et sa ventrèche sont associés au délicieux mariage de la tomate – cœur de pigeon – et de la betterave. Le gras et la puissance iodée du plat, plus déroutants, sont un peu rééquilibrés par les autres ingrédients de la recette : l’huile d’épicéa, magnifiquement verte, les pousses de fenouil anisées, et même la crème crue, légèrement acidulée.
Côté prés, nous choisissons une alternative : le bœuf avec aubergine en deux façons, barbecue et caviar, l’onctueux et le croquant. Le vin blanc est remplacé par un Rioja basque, naturel.

Xaya – Les assiettes du chef… inspirées par le terroir local
Je retrouve dans la dentelle de pied de veau, qui accompagne le duo, le plaisir transgressif de l’os à moelle, rehaussé de subtiles notes poivrées. Enfants, à chaque Osso buco, c’était comme si nous pénétrions dans le monde des mets rares, réservés aux adultes.
Pas moins d’exigence pour le fromage ! Ce pays luzien, qui m’a offert les meilleurs chèvres – de la Maison Thurin ou de chez Beñat, par exemple – continue de me réjouir, cette fois avec celui, mousseux, à dominante d’amande, de Ladislas Olaizola. On nous glisse que l’on peut rencontrer l’éleveur, à la tête de la Ferme Hirigoingo Borda d’Urrugne, le dimanche au marché de Ciboure.
Au dessert, la gourmandise a jeté son dévolu sur la vanille de Tahiti et la myrtille, servies avec un sorbet à la fleur d’oranger et de la crème au citron, joliment parsemées d’Oxalis pourpre, ces feuilles rafraîchissantes en forme de trèfles.
L’agrume en mignardise prend des airs de pâte de fruit : dense mais légère, sans brutale acidité, voilée de quelques grains de sucre. La guimauve au caramel est, elle, totalement régressive, présentée comme un chamallow grillé au feu de bois, au feu de camp !
Chez Xaya est comme « Saint-Jean » – Donibane Lohizune, dans la langue – qui épate sans ostentation. Ils transmettent et réinventent, sans nous perdre dans les concepts et l’élaboration. Parce qu’il y a partout de la cohérence, même le plus inattendu devient une évidence.
Alors merci Xaya, merci à toute l’équipe, pour cette expérience palpitante et vive la cuisine qui vient du cœur !
« Mort vive » et « ATP »
Cerveau, moelle épinière… : Fréderic Grobost n’est pas rentré dans le détail au-delà du nécessaire, et c’est tant mieux ! L’ancien biologiste médical aurait cependant pu nous dire ceci : un poisson, en s’asphyxiant, perd son adénosine triphosphate ou ATP. Sa chair tourne alors rapidement à l’ammoniac.
Grâce à la technique « ikejime », l’ATP se change en une autre substance, l’inosinate, qui contribue à l’umami, cette cinquième saveur mystérieuse signifiant littéralement « uma », « savoureux », et « mi », « goût ».
L’ATP, qui maintient les tissus irrigués, offre une chair au goût savoureux que l’on dit même incomparable !
XAYA
5 rue Saint-Jean
64500 Saint-Jean-de-Luz
Menus du soir :
ON EGIN : 51 € + accords mets/boissons (vin ou sans alcool) : 14 €
BIHOTZETIK : 65 € + accords mets/boissons (4 verres, de vin ou sans alcool) : 25 €