Ombelle : dîner entre terre et mer
Grandes baies blanches à petits carreaux, briques roses : le restaurant dinardais charme déjà par sa façade. Aussi par la poésie de son nom qui m’évoque les dents-de-lion de mon enfance, les pistils soufflés pour un vœu : Ombelle, « inflorescence dans laquelle les fleurs, petites et nombreuses, sont toutes dans un même plan horizontal, portées par des pédoncules partant tous du même point de la tige ».
Le souhait d’une réservation confirmée est quant à lui exaucé.
Assise dans la rotonde, je fais face à l’ardoise et à la plage de l’écluse. L’entrée « Tagliatelles de seiche, rhubarbe et crème d’huître » promet de la gourmandise et un peu de sophistication mais je me décide pour le menu « Coeff » qui avive, avec son amuse-bouche, ses deux entrées, son plat, son fromage et son dessert, ma curiosité.
Le vert, qui unit le végétal et le marin, se retrouve à la carte comme dans la décoration de la chaleureuse salle, semblant rendre hommage, dans toutes ses nuances, à l’expression « Côte d’Emeraude ».
Tout en sourire, on dépose devant mon Saint-Malo Spritz un trio d’appétissantes bouchées : un succulent bonbon à l’ail des ours, une petite meringue au chou rouge avec purée de carottes et chips de topinambour, ainsi qu’une fine tuile de sarrasin et son praliné salé. Le dîner commence plutôt bien ! L’année dernière, un tarama de maquereau inoubliable – pas des rillettes, du tarama ! – m’avait été servi (si Hors d’Œuvre n’arrive pas à obtenir la recette, je devrai peut-être mettre François-Régis Gaudry, qui parvient à recueillir tous les secrets des chefs, dans la confidence).
Arrive ensuite le pain et le beurre, salé, évidemment, ainsi que l’amuse-bouche, déjà exquis au regard, avec ses fleurs de myosotis. Chou rave, pourpier, huile de tomate grillée. Absolument magnifique ! Je pourrais en faire tout mon repas !
En entrée, le menu propose une « pêche de la criée d’Erquy, leche de tigre & gwell ». La daurade est fondante et le lait fermenté traditionnel breton fait une belle sauce, mais le tout manque à mon goût d’un peu d’intensité.
Chez Ombelle, même la carte des vins est locale. On me suggère un Chardonnay issu d’une parcelle en bord de Rance : Les Longues Vignes, Glaz blanc. Ici encore, nous revenons au vert, « glaz », en breton, correspondant à une nuance située entre le bleu et le vert, à un bleu canard utilisé à l’origine pour définir les différentes teintes que peut prendre la mer d’Armorique. Il est léger et frais, avec ses arômes de poire & de pomme et sa vivacité d’agrume.
La deuxième entrée devrait avoir du caractère, peut-être trop, me dis-je, mais je suis souvent agréablement surprise par les terre-mer. L’assiette arrive, tout en longueur. Le « cochon et velours de sardines » est à base de filet mignon basse température, coupé en tranches très fines. La crème, légère, adoucie la puissance gustative du petit poisson bleu. La câpre frite et le poireau apportent du sel et du contraste à cette merveilleuse réinterprétation du classique vitello tonnato.
Le plat met encore à l’honneur les trésors de la mer et les produits de saison avec une « barbue d’Erquy, laurier & cresson, petit épeautre & asperges de La Torche ». Le poisson est joliment doré. Alors que je m’absorbe dans la dégustation de sa chair ferme et de sa texture fondante, j’entends proposer du Saint-Pierre d’un arrivage inopiné. Je ne sais pas si mon « pesk » est le plus noble des nobles mais sa finesse est rare !
La chlorophylle de la sauce apporte de la fraîcheur aux saveurs beurrées de la barbue, mariées au subtil parfum de noisette du petit épeautre.
L’asperge blanche de La Torche est bien tendre. Sur le côté, une petite salade sucrée et acidulée interroge. Serait-ce de la pomme verte ? La texture est différente… Ce sont en fait les pieds d’asperges associés aux barbillons du poisson, et c’est délicieux !
« Le chèvre de Sven & miel de Telhouët » se présente presque comme un dessert. Le fromage, crémeux, est surmonté d’une pâte fine et croustillante, de pointes de miel, au caractère rustique, et de pickles de moutarde. Je suis moins conquise mais je salue l’originalité.
Il était possible de choisir un autre dessert que celui au menu. Ce n’était peut-être pas celui qui me faisait le plus envie mais j’ai voulu oser la découverte et suivre le chef. Ce sera donc lait ribot… brocoli et magnolia !
Le lait ribot a une densité de cheesecake et garde sa légère acidité. La langue de chat qui cercle la composition, bien sucrée, est régressive comme il faut !
Tout doit se craquer, se croquer ensemble : la quenelle verte, la mousse de fleurs, le gâteau et le biscuit. Seulement, le brocoli est vraiment reconnaissable et le magnolia, en cuisine, n’est pas un coup de cœur. Les connaisseurs évoquent des notes de poivre, de réglisse, de clou de girofle ou de cardamome. Peut-être que je « sur-exprime » un gène, comme pour la coriandre. En tout cas, pour moi, il a un goût un peu poissonneux. Mes voisins de droite, qui n’en n’ont pas laissé une miette, n’ont vraisemblablement pas eu la même sensation !
Sur ma marinière (j’avoue que je porte aussi du léopard, qui ne semble pas avoir la cote à Dinard), une tache verte en forme de presque pissenlit ! J’y vois comme un bon présage : un autre dîner à cette belle table raffinée et… une lessive infaillible !
Ombelle
7 boulevard du Président Wilson, 35800 Dinard
https://www.restaurant-ombelle.fr
Maître Boulanger « Chez Nonette »
4 Rue de Verdun, 35800 Dinard