RÓIS – Mo Léan : en Irlande, les morts peuvent chanter

« Nous sommes sincèrement désolés, mais nous n’avons pas d’annonce de décès à vous faire ce matin ». L’annonce, funèbre à souhait et accompagnée de sons de cloche – l’angélus, ouf, pas le glas – n’est pas plus une réminiscence de la période Covid qu’un mauvais canular. Il s’agit en fait de l’un des titres (The Death Notices) du dernier album de RÓIS, l’une des artistes irlandaises les plus prometteuses de sa génération.

Quoique, « prometteuse »… Le terme est mal choisi tant Mo Léan, son deuxième album auto-produit, atteint des sommets. Vibrant constamment du bourdonnement des drones, rythmé par des interludes fantomatiques et porté par des arrangements électroniques efficaces, l’œuvre de la jeune Rose Connely (RÓIS veut dire « rose » en gaélique »), déjà très abouti, impressionne.

Tour à tour gémissante, hurlante ou implorante, RÓIS s’y adonne sans retenue au « keening », un chant irlandais pré-chrétien. Autrefois interprétée par des femmes mystérieuses, pleureuses et psychopompes, les Ban Chointe, cette lamentation permettait d’apprivoiser la peine par de mélodieuses, et inquiétantes, plaintes.

Le visage le plus souvent recouvert de dentelle noire, notre Rose of Fermanagh, une région du Nord de l’Irlande, rajeunit brillamment cette tradition vocale lancinante dont les quelques extraits disponibles nous disent à quel point elle remonte, nue et tremblante, du fond des âges. Tout au contraire, RÓIS, sans doute conseillée par John ‘Spud’ Murphy, producteur, entre autre, du (formidable) groupe Lankum, flatte et apprivoise la mort dans la plus pure tradition du label  4 AD, celui d’Ivo Watts-Russell dans les années 80, c’est à dire avec un flamboyant lyrisme et force distorsions. Écoutez les titre Caoine ou Feel Love, vous verrez.

Désormais récompensés par deux RTE Folk Awards en 2025, il ne reste plus à Mo Léan et à sa prodigieuse interprète qu’à traverser la Mer Celtique et à venir nous consoler en live. Pour ma part, je l’attend, prête à prendre le mors, ou la mort, aux dents.

RÓIS – Mo Léan

RÓIS – MO LÉAN (2024)