Liza Mauzole, une pépite brestoise, entre néo soul et folk
Si l’une de vos collègues vous annonçait tranquillement dans une conversation de machine à café qu’elle fait ce soir la première partie de Pete Doherty, vous y croiriez, vous ? Allez, s’il vous plait, ne nous laissez pas seule avec notre cynisme incrédule teinté d’une (petite) pointe de jalousie, dites-nous que vous aussi vous vous seriez dit à vous-même, « Nan mais qui c’est cette mytho », comme nous l’avons fait nous, pendant dix secondes… Avant de vérifier illico l’info sur votre smartphone et de prendre une claque. Non seulement cette collègue après le boulot a une vie mille fois plus cool que la vôtre, mais en plus elle va faire dix jours plus tard la première partie de Manu Chao, histoire de bien poser le truc. La recherche sur smartphone se poursuit alors, pour écouter un album, un single, quelque chose. On ne trouve qu’une simple session live ultra sobre et intimiste, un véritable joyau sonore disponible sur YouTube, avec des reprises et compositions originales en anglais et en français de toute beauté entre néo soul et indie folk. Coup de cœur immédiat. Sans plus tarder, on rencontre alors Liza Mauzole, non plus pour parler boulot mais pour évoquer tour à tour une évidence artistique ancrée dans son histoire familiale avec Stevie Wonder comme ange gardien, ses premiers accords de guitare à 7 ans qu’un chant intense et enveloppant vient tout naturellement accompagner, son cheminement musical guidé par une authenticité désarmante, une émotion à nu et une sensibilité profonde. Et un projet de premier EP pour 2025.
Tes premiers accords de guitare, cela remonte à quand ?
Mes parents m’ont inscrite très tôt à l’éveil musical à six ans et j’ai ensuite naturellement commencé la guitare classique au conservatoire. Parallèlement à ces cours, j’évoluais dans un groupe de comédie musicale où je chantais. Mon père était batteur dans un groupe de kompa zouk en Martinique. Dès que l’on met de la musique, il se met à taper en rythme sur quelque chose. Mes amis me disent qu’il siffle, il chante tout le temps, toute la journée. C’est vrai, mais pour moi c’est tellement naturel que je ne m’en rends même plus compte. Quand j’étais petite, on faisait des duos, des mini spectacles tous les deux et j’arrivais à harmoniser assez rapidement. C’est vraiment lui qui m’a amenée, vers la musique, le chant puis la scène. Ma mère aussi écoute énormément de musique. Pendant les trajets que nous faisions ensemble, elle mettait toujours le même album de Stevie Wonder, Hotter than July, dont je me suis fait tatouer le nom. Stevie Wonder, c’est mon idole. Cet album m’a vraiment emmenée partout et son influence se retrouve dans ma musique.
La guitare, ça vient de la famille de ma mère, mes oncles et ma grand-mère en jouaient. Ma première guitare, c’était celle de ma grand-mère. Après avoir en quelque sorte perpétué les traditions, j’aimerais aujourd’hui tester d’autres instruments pour m’accompagner, je suis très fan de la clarinette par exemple.
Quand as-tu commencé à chanter en t’accompagnant à la guitare ?
Quand j’ai eu onze ou douze ans, on a quitté la région parisienne pour la Bretagne. A Landerneau, mes parents m’ont inscrite à l’école de musique où j’ai eu un super prof de guitare qui a vu tout de suite que le chant faisait vraiment partie de moi. Il m’a alors encouragée dans cette voie. Ce que je recherche dans une musique, c’est la mélodie, et comment en oscillant entre plusieurs tonalités et en travaillant sur les accords de façon inattendue, cela va provoquer des émotions plus ou moins fortes. D’un coup une tonalité change, et tu te dis, mais qu’est-ce qui se passe, c’est magnifique ! Les voix de la Motown provoquent ça chez moi et c’est à cela que j’aspire quand je chante même si ce que je fais c’est plus de la néo soul que de la soul classique. J’aime aussi les belles mélodies que l’on peut retrouver chez Muse, à l’époque de leur album Showbiz, avant que ça ne vire grand spectacle, couplées à un engagement, des sonorités très rock qui permettent de vraiment se lâcher. « Unintended » est une chanson que j’adore, qui te prend vraiment aux tripes. C’est à travers la guitare que je me suis rapprochée du rock, mais un peu à ma sauce parce que je ne joue qu’avec des guitares classiques et folk.
Quelles sont tes autres influences musicales ?
Il y a Amy Winehouse bien-sûr, dont j’adore les couleurs et les nuances vocales, ainsi que son songwriting. Michael Jackson également, qui a su lier les esthétiques. Mais aussi Artic Monkeys, Radiohead. Et plus récemment, Liana Flores côté indie folk, ainsi que des artistes de la scène néo soul actuelle comme Cleo Sol, Rimon, Yebba …
Quand as-tu eu envie de te produire sur scène ?
A la Maison Pour Tous de Landerneau où j’étais inscrite, j’ai participé à des cours collectifs avec plusieurs guitaristes de différents niveaux, ce qui m’a permis de jouer un peu en groupe, de chanter avec d’autres personnes. J’ai eu envie de poursuivre ce partage avec les autres, à travers la scène. Vers quatorze ou quinze ans, j’ai commencé à faire des petits tremplins et concours, pour me tester un peu. J’ai aussi participé à une émission de télécrochet, la Nouvelle Star. Mais je me m’y suis pas du tout sentie à ma place. Cela m’a même fait perdre confiance en moi et j’ai arrêté de chanter pendant un an. Trop de pression, trop de stress, ce n’était pas du tout pour moi. J’ai repris progressivement la musique avec quelques concours locaux où j’ai fait de belles rencontres qui m’ont donné envie de composer sérieusement. Je ne faisais jusqu’à présent que des reprises.

Liza Mauzole © David Cormier
Comment s’est passé ce travail de composition ?
Pour passer de ce moment où tu fais de la reprise à l’écriture de ta propre musique, de tes propres paroles, il faut être entourée. Moi j’étais seule, avec ma guitare, mon looper, livrée à moi-même. Mais j’ai décidé de me lancer comme ça, avec ce que j’avais, avec ce que j’étais. J’ai commencé à chanter en anglais alors que je n’étais pas du tout bilingue, sur des accords très simples, avec des termes très simples également. L’anglais m’est venue plus naturellement avec les architectures musicales folk, néo soul, que j’étais en train de construire. C’est une langue mélodieuse, qui sonne bien, qui t’emporte. Mais j’avais aussi envie de revenir dans ma langue natale, pour aller plus loin dans l’émotion, l’intime. Et c’est ce qui est difficile justement. En chantant en français on se met totalement à nu, alors qu’avec l’anglais, on se préserve. La première chanson que j’ai écrite en français, je l’ai composée et écrite pour mon copain, très spontanément ; c’est venu tout seul parce que j’étais connectée à mes émotions, au plus près de mon ressenti. Quand je compose, je passe beaucoup par la visualisation, le sensitif, la coloration, pas par le cérébral, cela permet d’aller vers quelque chose de très pur, de très authentique. J’écoute aussi beaucoup de musique, je vais voir très souvent des concerts, tout cela me nourrit et m’inspire.
Et la scène aujourd’hui, comment ça se passe ?
J’avais peur qu’une heure de concert guitare-voix, ça ne passionne pas les gens, mais en fait je n’ai que de super bons feedbacks. Il faut être bien accompagnée sur le son, savoir où mettre de la réverb, comment bien capter le grain de la voix, comment mettre plus ou moins d’aigus. Parce que contrairement à un groupe où le son peut couvrir ta voix, là tu es totalement à nu, comme ce qu’on disait sur le fait de chanter avec sa langue maternelle. Et si tu te plantes dans tes accords, tout le monde l’entend. Maintenant que j’ai mes compositions, j’aimerais être plus accompagnée techniquement pour pouvoir travailler sur le son en live et sur un son en studio qui corresponde à ce que je recherche, dans le but de sortir un premier EP en 2025. Je vais d’ailleurs dans ce but être accompagnée par la Carène , Je vais aussi me former à des logiciels de MAO pour enrichir mes compositions. Après, je ne sais pas encore si j’ai envie de faire de la musique à plein temps. Je profite des belles opportunités qui se présentent, et je verrai bien où cela m’amène.
Ecouter Liza Mauzole :
Que déguster en écoutant la musique de Liza Mauzole ?
« Dans la famille tout le monde cuisine, sauf moi ! Mais j’adore manger, et surtout que l’on cuisine pour moi. Mon père cuisine très bien, avec beaucoup de saveurs exotiques que l’on ne trouve pas ici. Pour accompagner ma musique, je pense à quelque chose d’un peu doux et sucré, à l’amande. Je suis une très grande fan des pâtisseries à base d’amandes : les financiers, les macarons, les calissons… Mais j’aimerais choisir plutôt une madeleine à base d’amandes, pour faire référence à la madeleine de Proust, et son côté un peu nostalgique. »
Liza Mauzole fera la première partie de Kimberose le 11 décembre 2024 à la Carène – Brest : https://www.lacarene.fr/kimberose-liza-mauzole.html