Ray Lamontagne – Long Way Home

Quatre ans après son dernier album et vingt ans après « Trouble », son superbe premier opus, Ray Lamontagne, singer-songwriter emblématique des années 2000, sort « Long Way Home ». Un retour aux sources et le début, qui sait, d’une nouvelle ère pour le folk américain.

A la sortie de « Trouble », en 2004, la voix de crooner de Ray, profonde et veloutée, un rien voilée, avait fait sensation. Avec son look d’homme des bois, barbe sombre et chapeau vissé sur la tête, le bien nommé Lamontagne semblait tout droit sorti d’un roman de Jim Tully ou de Jack London. Restait à savoir s’il serait capable de réitérer l’exploit après pareille merveille de pur songwriting.

Ce fut le cas, indéniablement, et deux décennies plus tard, Ray Lamontagne se penche sur son passé avec une certaine nostalgie. Adieu cabane en bois quelque part dans le Maine – notre homme est marié et père de famille comblé -, l’insouciance des vaches maigres a cédé place à une maturité exigeante et à une vie rangée, le tout ponctué d’innombrables tournées américaines, demeure luxueuse en sus pour se ressourcer.

La réussite, tout comme le sentiment d’échec, justifié ou non, peuvent assécher un artiste et c’est ce que l’on aurait pu craindre pour Ray Lamontagne au bout de huit albums, dont quelques chefs d’œuvre et une production Dan Auerbach (Supernova, en 2014). Étrangement, il n’en n’est rien, même si Long Way Home avec ses incursions soul ou bluesy (« Step Into Your Power », « My Lady Fair » ), voire Americana (« I Wouldn’t Change A Thing »), ressemble un peu à un kaléidoscope, ou à un examen de conscience à la croisée des chemins.

A l’aube de la cinquantaine, Ray Lamontagne va de l’avant tout en regardant en arrière, s’offrant le luxe de respirations planantes (« La De Dum, La De Da », « So Damned Blue ») où, une fois n’est pas coutume, il ne chante pas. Le moyen de mettre encore plus en avant cette voix si particulière ? Peut-être. Envoûtante comme au premier jour, elle révèle au fil des écoutes toute l’étendue de sa séduction mélancolique.

« I’ve been searching my life/Somewhere in the past, nothing ever lasts » constate t-il dans « And They Called Her California ». Sans doute ce sentiment d’impermanence, cette nostalgie d’un bonheur lointain et insaisissable, auront su le protéger de l’usure du temps et d’une trop grande auto-satisfaction. Car, si « Long Way Home » n’invente rien de bien nouveau, il n’en n’est pas moins une réussite : résumé a posteriori d’une carrière frôlant le sans-faute.

Et quand arrive « Long Way Home », dernier titre de l’album et sans aucun doute son plus beau, la boucle est enfin bouclée. L’été s’achève, le soleil trop rouge descend doucement sur la prairie et l’enfance vole des noix de pécan en chemin. Il faut se dire au revoir près du mur du jardin ; loin dans le passé, les parents nous appellent, il est temps de rentrer. Quelque part, un crapaud chante et l’on a le cœur serré. L’automne arrive et l’on n’y peut rien. Ray Lamontagne le sait bien.

Ray Lamontagne - Long Way Home

Ray Lamontagne – Long Way Home

Ray Lamontagne, Long Way Home – Sortie le 23 août 2024