The Divine Comedy — Foreverland

Six ans, six ans que l’on attend un nouvel album de The Divine Comedy, c’est à dire Neil Hannon, auteur, compositeur, et unique artisan d’un projet pop et mégalo commencé sur des chapeaux de roues en 1993 avec l’album Liberation (on ne compte pas Fanfare For The Comic Muse, c’est comme ça !). Six ans d’attente, mais pourquoi ? Plus de maison de disque, panne d’inspiration ? On brûle de lui demander mais en attendant, le résultat est là et il s’appelle Foreverland. Foreverland, rien que le titre titille. Neil Hannon a-t-il gardé son âme d’enfant et lit-il toujours J.M Barrie1 avant d’aller au lit, ou faut-il voir là l’un des signes de son légendaire sens de l’humour ?

Car de l’humour, Neil Hannon en a à revendre et dès le premier morceau, Napoleon Complex, on nage en plein délire. Tiens, je regardais un film, ou une comédie musicale, et je ne m’en étais pas rendu compte ? Bicorne vissé sur la tête et main sous son plastron, Neil Hannon passe en revue le fantasme absolu de tous les hommes de petite taille : dominer le monde. En toute modestie, et avec force chœurs féminins, l’asile musical n’est pas loin… Ah bon, il a aussi fait la légion étrangère 2 ? C’est pop, magistralement orchestré, et plein de cette dérision qui a fait la marque de fabrique de The Divine Comedy. To The Rescue ou Foreverland n’ont rien à envier à cette ouverture en fanfare, la mélancolie en plus. L’âge venant, on regarde en arrière, vers cette île cachée par la brume que l’on appelle l’enfance. La nostalgie chez Neil Hannon, et c’est logique après tout, a comme un air de chanson irlandaise : flûte, accordéon et bruit de la mer en contrebas.

Mais le problème, lorsque l’on manie à outrance l’auto-dérision et la posture du dandy ludique, c’est que l’on flirte parfois avec le mauvais goût. Catherine The Great est à la limite, How Can You Leave Me On My Own aussi. Oh, bien sûr, la vision d’un Neil Hannon abandonné par sa moitié, affalé sur son canapé et se gavant de biscuits et d’earl grey jusqu’à ce que mort s’en suive fait sourire, voire franchement rire, mais musicalement, on pourrait presqu’en braire, tout en dansant, il faut bien l’avouer. Funny Peculiar, interprété en duo avec Cathy Davey, est une délicieuse bluette, certes, mais aussi charmante que désuète : même lorsqu’il parle d’amour, Neil Hannon a du mal à garder son sérieux. A Desesperate Man en revanche, plus rythmé, plus efficace, convainc franchement. On a presque envie du coup, de le mettre en colère ou de lui souhaiter le pire…

Mais nous n’en ferons rien, impossible ! Car The Divine Comedy a signé avec ses – nombreux – fans The Pact que peu d’artistes peuvent se targuer d’avoir honoré, celui d’avoir su conserver, coûte que coûte, un sens peu commun de la mélodie, un lyrisme joyeux, un sentiment d’insouciance et d’espoir que rien, même le temps qui passe, n’a su occulter, et rien que cela, c’est déjà délicieux.

The Divine Comedy – Foreverland – Sortie le 2 septembre 2016 — PIAS

1 — L’auteur de Peter Pan, Neverland, voyons… Non, pas le ranch douteux du King of Pop.
2 — I Joined The Foreign Legion (To Forget) est le 8ème titre de l’album