Nick Waterhouse : Interview

Quelques heures avant de secouer La Bellevilloise en compagnie des Allah-Las, le 5 décembre 2012, Nick Waterhouse nous a accordé une interview. Il nous a parlé de son album, Time’s all gone, mais aussi d’art, de littérature, de la relation entre le rythm’n’blues et William Blake… Un rocker, Nick Waterhouse ? Pas seulement. D’ailleurs, les seules étiquettes qu’il supporte sont définitivement celles de son trench-coat preppy ! Lorsqu’on lui demande, à la manière du questionnaire de Proust, ce qu’il serait s’il était un aliment ou un film, il sourit et répond, très sérieusement : « Un cocktail – un Alexandra avec une pointe d’ananas pour le côté californien – et Tirez sur le pianiste de François Truffaut, car j’aime la culture européenne. »

Rencontre avec un jeune homme élégant…

www.horsdoeuvre.fr : Tu es déjà venu plusieurs fois à Paris ? Que penses-tu du public français ?

Nick Waterhouse © Franck Altmeyer

Nick Waterhouse : C’est la troisième fois que je viens à Paris. J’ai joué ici pour la première fois au printemps. Je trouve que le public est complexe, différent de la plupart des auditoires européens… Je commence à pouvoir établir des comparaisons (sourire). Je dirais que les Français sont assez « durs », presque plus que les New-Yorkais, du moins de mon point de vue. Paris est, à mon avis, une ville intellectuelle, un peu superficielle mais pas forcément dans un sens péjoratif. Tout y est affaire d’image, de projection de soi. Lors de mon dernier spectacle, j’ai eu des retours à la fois positifs et négatifs. Mon souvenir le plus drôle, ce sont des Parisiens qui sont venus me dire qu’ils m’avaient trouvé trop « smart »…

HdO : Smart ? Dans le sens d’intelligent ? D’élégant ?

Nick Waterhouse : Non, non, rien de tout ça ! Je crois qu’ils ne me trouvaient pas assez « sauvage », par rapport à ce qu’ils imaginaient de ma musique. Je crois qu’à l’écoute de mon disque, pas mal de gens s’attendaient à quelque chose de beaucoup plus rock’n roll.

Nick Waterhouse © Franck Altmeyer

HdO : Pourtant Time’s all gone a un son souvent live, assez rugueux, physique…

Nick Waterhouse : Oui, car pour moi c’était la manière la plus appropriée de m’exprimer. En fait, je crois que certains décalages de perception sont liés à la mythologie de l’attitude rock’n roll. Je me demande même parfois si certaines personnes, projetées par miracle à un concert de Jerry Lee Lewis en 1955, ne le trouveraient pas ennuyeux ! Mais c’est trop facile de réaliser un faux disque soul et d’éclater les charts avec ça. Ce n’est pas du tout ce que je voulais : je désirais quelque chose de plus subtil, de plus sensible, qui me ressemble

HdO : Je sais que tu n’aimes pas trop qu’on te parle de tes influences, mais à l’écoute de ton disque, impossible de faire l’impasse sur cette question. On sent forcément ta passion pour la musique, pour les musiques. Quels sont les artistes qui ont été importants pour toi ?

Nick Waterhouse © Franck Altmeyer

Nick Waterhouse : J’aime avant tout les formes d’art qui procurent ce que l’auteur anglais Colin Wilson désigne par le terme de peak experience, un moment où l’esprit s’ouvre enfin complètement. Certains appelleraient ça une « épiphanie ». Dans l’un de ses essais, Wilson évoque également la peinture impressionniste qui, soudain, insensiblement, change de registre pour plonger dans l’abstraction. Il m’arrive de percevoir cela dans des chansons, par exemple dans Baby Please Don’t Go de Them, ou dans les sessions outtakes du Pet Sounds des Beach Boys. C’est pour moi la conjonction parfaite entre la mélodie, la rythmique et les sentiments. Quelque chose de chatoyant qui m’attire irrésistiblement, comme chez Johnny Guitar Watson ou Young Jessie, par exemple. J’aime les choses très simples et complexes en même temps…

HdO : Sans vouloir pour autant sonner comme ces artistes ?

Nick Waterhouse © Franck Altmeyer

Nick Waterhouse : Non, surtout pas ! C’est probablement ce qui m’a poussé plus jeune à m’intéresser à autre chose, à étudier la littérature. Je me suis également intéressé au journalisme après mes études, mais je crois qu’au fond j’essayais surtout de me persuader que la musique n’était pas si importante que ça pour moi, que je pourrais vivre sans, et… me voilà (sourire) !

HdO : Tu citais Them il y a quelques instants et je ne peux m’empêcher de penser au tournant « littéraire » qu’a pris ensuite Van Morrison, avec Astral Weeks, par exemple…

Nick Waterhouse : Oui, et c’est d’ailleurs un album qui a eu grande importance pour moi. Je le place aussi haut que certains pourraient placer les Beatles ou Radiohead. Ce

© Franck Altmeyer

que j’aime particulièrement chez Van Morrison, ce qu’il fait résonner profondément en moi, c’est qu’il a réussi à me convaincre que Solomon Burke et William Blake n’étaient finalement pas si éloignés ! Mais faire une reprise de Them, c’était avant tout me rappeler mon adolescence, cette période où tout est encore inarticulé, où l’on a envie d’une musique à l’état sauvage, d’une chose proche du cri. J’ai grandi, bien sûr, mais ce sentiment fait toujours partie de moi, même s’il s’épanouit différemment.

HdO : Une belle énergie qui cohabite dans ton album avec une certaine mélancolie. Quelque chose dont on ne te parle pas souvent, du moins c’est mon impression.

Allah-Las © Franck Altmeyer

Nick Waterhouse : Oui, c’est vrai. Tu mentionnais tout à l’heure le fait que je n’aime pas trop parler de mes influences, mais en fait ça ne me dérange pas, dès lors que ce n’est pas le seul sujet de conversation, que l’on peut aller un peu au-delà des apparences. Si on lit avec attention mes textes, on y verra probablement l’influence de Philip Larkin, parce que pour écrire ou interpréter de la musique, je tire mon inspiration aussi bien de peintres ou de poètes que de musiciens. Donc oui, Time’s all gone est parcouru d’un sentiment mélancolique, sans aucun doute. J’aime me nourrir de ces choses inutiles en apparence, et pourtant profondément essentielles.

HdO : Surtout dans la production. Tu as d’ailleurs produit toi-même ton album, comptes-tu renouveler l’expérience avec d’autres artistes ?

Allah-Las © Franck Altmeyer

Nick Waterhouse : Oui, j’ai produit l’album de mes amis les Allah-Las et je suis très intéressé par la production en général. D’une part, parce que je n’ai pas encore trouvé la personne qui travaillerait exactement de la manière dont j’ai envie, et de l’autre parce que je ne suis pas si convaincu que ça à l’idée de chanter

HdO : Pardon ?

Nick Waterhouse : Oui, vraiment. Là aussi, je le fais parce que je n’ai trouvé personne pour le faire à ma place (sourire). Et pour en revenir à la production, c’est vrai que j’ai eu beaucoup de chance. J’ai travaillé avec Michael McHugh, qui est à la fois un ingénieur du son talentueux et une sorte de mentor pour moi. Il m’a guidé d’un point de vue technique, ainsi que dans ma manière d’aborder la musique, sans préjugés. Par exemple, nous avons travaillé sans ordinateur, avec un son analogique, mais nous n’étions pas pour autant dans un musée !

Allah-Las © Franck Altmeyer

La fin justifie les moyens – non l’inverse – et je suis opposé à toute forme de fétichisme. Lorsque je travaillais dans un magasin de disques, le propriétaire du lieu voulait surtout qu’on « vive » la musique, au-delà du (baissant la voix et chuchotant à la manière du collectionneur fanatique) : « Mon dieu, ce disque vaut au moins 150 dollars, ne le retirez pas de sa pochette ! » C’est sûrement pour cela que je ne me considère pas comme tous ces artistes labellisés «rétro ». J’ai un monde bien à moi, même s’il se nourrit de références évidentes. Ce qui me motive vraiment, c’est surtout d’obtenir le meilleur son, la meilleure musique

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