TeamLab – Au-delà des limites
Des tournesols géants grandissent jusqu’à devenir forêt, des idéogrammes tombent doucement sur un ciel bleu nuit, des corbeaux se poursuivent, virevoltent en une course éperdue, et sous vos pas naissent des fleurs à l’infini. Ce n’est pas un songe, mais l’œuvre du TeamLab, machine à rêves numériques, et son installation Au-delà des limites.
Entrer dans la grande halle de La Villette, c’est pénétrer désormais au plus profond de la grotte merveilleuse où nait la rêverie, là où jaillissent les créations humaines, « folle foire bariolée de la Chimère » qui « se hâte en tableaux de lanterne magique », véritable « magasin de fééries »*.

Et ces cascades qui tombent de nulle part et s’écartent pour ne pas vous mouiller, ces nébulosités protéiformes qui se nourrissent de vos mouvements, ou ces papillons qui meurent lorsque vous les frôlez, sont tout aussi impalpables que les fantômes de votre esprit. Projections lumineuses, apparitions digitales dirigées par des algorithmes, mises en espace interactives : la création du TeamLab réussit à prouver, si cela était encore nécessaire, que la poésie obéit tout autant à l’alphabet qu’au chiffre Pi.
Ce collectif, principalement japonais et né à Tokyo en 2001, réunit tout ce que le 21ème siècle a produit de mieux – ingénierie, programmation informatique, mathématiques, conception graphique, musique –, au service d’un nouveau courant artistique. Un art digital immersif, cousin du mapping vidéo, où le spectateur n’assiste pas de l’extérieur aux œuvres mais participe à leur création.
Dès l’entrée, enfants et adultes inspirés dessinent fleurs, papillons et autres animaux fabuleux ; passé la porte, les dessins scannés s’animent et se promènent au milieu d’un maelstrom de couleurs en fusion. Puis vient la déambulation, la douce errance au cœur d’un monde organique et pixellisé qui s’inspire aussi bien des jardins zen, des estampes ou du nihonga, la peinture traditionnelle japonaise. A ceux-là, le TeamLab emprunte sans compter l’art du trompe l’œil, le goût pour les symboles et celui de la métamorphose.

Mais voilà que dans une curieuse galerie des glaces, des musiciens d’estampe, des lapins et des grenouilles tout droit sortis d’un chôjû-giga**, jouent, grognent, chantent, dansent et coassent, puis s’immobilisent devant nous. Sont-ils vivants ? Les avons-nous dérangés ? En une parade monstre***, animés de mouvements souples et lents, les voilà qui déambulent parmi les fleurs-soleil, tintinnabulent dans des forêts de bambou, leurs charrettes tirées par des bœufs de fantaisie, faisant naître au passage l’enchantement des prairies.
Jamais monde virtuel ne fut plus naturel…
Du 15 mai au 9 septembre 2018 à La Villette – 211, avenue Jean Jaurès. 75019 Paris
*Une fois n’est pas coutume, paraphrasons les poètes, ici Saint-Pol-Roux et son poème, La Diane.
** Littéralement « caricatures des personnages de la faune », un emaki, ou rouleau peint, du 12ème siècle
***A voir et à revoir absolument, dans une même veine, les parades fantastiques des films d’animation Pompoko, d’Isao Takahata, et Paprika, du regretté Satoshi Kon.