Ryley Walker : Deafman Glance

Pour vous résumer l’avis de Ryley Walker sur son nouvel album, Deafman Glance, « il est bon (si, si) mais tout le monde ne va pas apprécier ». Et pour résumer le nôtre d’emblée : il a raison.

Car, malheureusement pour lui, après avoir érigé l’auto-dérision en art de vivre* – ça et la consommation régulière de coleslaw industriel –, Ryley Walker ne pourra plus continuer à cacher très longtemps à quel point il est un musicien sérieux.

Deafman Glance, comme le précédent opus, Golden Sings That Have Been Sung, met la barre très haut mais cette fois, le commun des mortels va devoir s’accrocher au pinceau avant que l’on ne retire l’échelle sonore. Je ne suis pas claire ? Allez, on va faire simple : la plupart du temps c’est du jazz, et souvent du genre libéré. C’est du moins le terme qui viendrait à l’esprit de tout journaliste sensé, et c’est bien connu, les journalistes adorent ce qui est précis, pour ne pas dire réducteur.

Ryley Walker ©Evan Jenkins
Ryley Walker ©Evan Jenkins

A ses débuts – après tout il a déjà 28 ans, le bougre -, Ryley Walker évoquait sans faire rougir les fulgurances folk rock d’un Tim Buckley ou d’un jeune John Martyn, mais désormais, on va carrément éviter de comparer. Toujours produit par LeRoy Bach, le quatrième album de Walker ne se laisse pas facilement approcher tant il est complexe, et par-là même envoutant.

Avant tout atmosphérique, parfois dissonant — mais toujours à bon escient — , Deafman Glance invite à une promenade, ou à un rêve éveillé, qui laisse par moment ce sentiment confus propre aux visions oniriques. D’ailleurs, la voix de Walker ne se départit pratiquement jamais d’une sensualité mélancolique et nonchalante, bien loin de ses coups d’états scéniques. Il suffit d’écouter pour s’en convaincre In Castle Dome ou le très beau Can’t Ask Why dont les débuts miroitants évoqueraient presque Perry Blake (écoutez The Crying Room, vous verrez) pour se métamorphoser tout à coup en escalade rock du plus beau jus.

De ruptures en saccades, d’errances subtiles aux entrelacs de flûte très « prog » en fausses improvisations habilement construites, d’ Expired gracieux en interlude à la guitare sèche (Rocks on Rainbow), Deafman Glance surprend et se métamorphose à chaque écoute. De quoi vous donner envie en quelque sorte de prendre un aller simple pour Chicago afin d’y écumer tout ce que sa nouvelle scène a de prometteur, Café Mustache compris…

Mais tout cela, je vous l’écris après avoir écouté l’album une bonne vingtaine de fois. Alors un conseil, faites de même.

Ryley Walker – Deafman Glance – Le 18/05/2018 chez Dead Oceans

A relire : l’interview de Ryley Walker

* Consultez pour vous en persuader son compte Twitter ! Vous pourrez dire ensuite comme Kevin Morby : « People will speak of their many successes in life. Children, promotions, a good deed they once did etc. but what we all battle with, deep inside, is that we will never be as good at Twitter as Ryley Walker. »