La Fine Equipe : interview

Après nos interviews de Christophe Michalak ou Christophe Adam, nous  nous nous sentions plutôt blasés question chefs pâtissiers superstars… Sauf que nous n’avions pas encore rencontré LA FINE EQUIPE, musiciens artisans et beatmakers de bon son. Les galettes et les crêpes, eux, ils préfèrent les scratcher sur des platines et les faire flamber aux rythmes hip-hop, soul ou électro. Dans leur Boulangerie (nom donné à leur projet commun), on savoure pêle-mêle gâteaux bien lourdingues, tarte au citron un rien salace, Kouign Aman qui tabasse, voire Cheese Naan à la sauce « chef Fakear ». Du sucre, du gras et de la crème à gogo qui font bouger le boule — donc perdre des kgs -, on dit carrément «yummy» ! 

Rencontre avec 3 des 4 membres de La Fine Equipe , oOgo, Mr Gib et Chomsk’,  juste avant leur prestation remarquée au Casino de Paris pour le Prix Deezer Adami — dont ils sont lauréats avec Georgio et Jeanne Added (qu’on a aussi rencontrée : interview ici).

www.horsdoeuvre.fr : Pouvez-vous nous expliquer rapidement comment est née La Fine Equipe ?

oOgo : Tout a démarré au lycée à Marseille avec Blanka (ndlr : le 4ème membre absent ce soir-là), où on faisait un peu de scratch. Puis on a rencontré Gib, avec qui on a monté un petit crew, un groupe de Dj façon C2C ou Birdy Nam Nam. On a fait un peu de radio, on faisait des mix, on expérimentait des sons dans nos caves… On a ensuite acheté des machines pour faire de la prod, on s’est mis à la compo et on est monté à Paris, où on a retrouvé Chomsk, le Parisien de l’équipe. On a vraiment concrétisé le projet avec La Boulangerie et le premier opus sorti en 2008.

Cover - La BoulangerieLa Boulangerie, justement, qui est en plusieurs volumes, dont le 3ème est sorti cet hiver… Ce projet vous est venu à l’idée à la base parce que vous adorez la bouffe ?

Mr. Gib : Oui, on est tous amateurs de bouffe ! Mais il y a une autre raison… On a décidé de choisir le nom La Boulangerie quelques années après la mort de Jay Dee qui collaborait avec A Tribe Called Quest, Common, Eryka Badu… des gens qui nous ont marqués. Son dernier album s’appelait Donuts. C’est donc aussi un hommage à ce gars d’appeler notre projet La Boulangerie… Parce qu’on voulait appeler ça Croissant au départ !

Et forcément les titres tournent pas mal autour de la pâtisserie française. Mais aussi autour de la «global food»…

Chomsk’ : Oui, on a ouvert le truc, sinon, ça allait tourner rapidement autour du croissant justement, de l’opéra ou de l’éclair ! C’est pour ça qu’on retrouve Baklawa, par exemple…

Le titre d’un morceau est choisi au hasard ? 

Mr. Gib : Non ce n’est pas un hasard. Il y a des liens avec les origines de chacun par exemple, ou avec les samples qu’on utilise pour un morceau…

oOgo : … et on choisit le titre plutôt après la compo. C’est comme une sensation en fait. Au début, nos morceaux étaient très courts, maintenant on compose davantage. Au départ, c’était ce petit plaisir du goûter ! Où chacun choisissait le nom d’un truc qu’il aimait bien, ou ce qui le représentait… Ce qui colle assez bien avec la bouffe finalement ! Pour nous la musique, c’est comme la nourriture c’est un plaisir avant tout.

Carrément d’accord. Par exemple, un gâteau… ça peut donner quoi musicalement ?

Mr. Gib : Moi, j’ai utilisé le papanasi (ndlr : un beignet d’origine roumaine), pour le titre Papa nazi ( !) C’est un dessert très lourd, donc musicalement ça donne un truc hyper épais, avec beaucoup de cuivres, des gros arrangements et des samples de musiques roumaines… et en l’écoutant, je me suis, dit « mais qu’est-ce que je vais pouvoir enlever ? »  Comme une recette finalement ! Je me suis beaucoup amusé à le faire.

Vous avez chacun des univers différents que vous apportez à cette recette globale ?

Concert Deezer Adami 2015Chomsk’ : Déjà on écoute tout ce qui est musique actuelle : beatmaking, hip-hop, bass music… après c’est vrai qu’on a chacun nos univers, et nos influences. Il y a un peu de tout, de soul, de funk, de rock, de jazz, de l’électro…

Mr. Gib : En fait, on vient tous du hip-hop. Chomsk a une culture plus rock. C’est cool parce qu’on partage entre nous, on se fait découvrir des choses plus anciennes… on a une vraie recherche sur l’origine des samples et par répercussion, ça nous fait découvrir des artistes, des courants musicaux… Comme Aretha Franklin, par exemple, que tu retrouves sur le morceau Tarte au Citron. Tout ça alimente notre projet.

La Boulangerie sonne beaucoup plus soul que Gremlins, qui est plutôt rap…

Mr. Gib : Oui, c’est vrai. On se permet aussi d’aller avec des E.P là où on ne nous attend pas. Gremlins, c’était très dark, très noir… Lov for Eva sonnait plus club… Avec La Boulangerie, on retrouve un peu nos bases, et on y invite plein de copains et de beatmakers.

Justement, les featurings et les collaborations sont très présents dans votre musique. Dans le dernier volume, on trouve entre autres Fakear, Superpoze, Everydayz… Et il y a eu aussi la «patte» de Mattic sur Dark Side of Fantastic Planet. Comment l’avez-vous rencontré ?

Mr. Gib : En fait, j’ai pas mal collaboré avec Wax Tailor, j’étais «ingé son-façade» pour lui pendant plusieurs années, c’est là que j’ai rencontré Mattic

Chomsk’ : … et on l’a séquestré au studio, on l’a nourri, on lui a dit : «mec, tu ne sors d’ici pas tant qu’il n’y a pas 15 morceaux !!» C’était assez cool !

Que pensez-vous de la visibilité des Beatmakers français ? 

Chomsk’ : Ce n’est jamais assez. Mais c’est mieux que quand on a commencé ! Il y a une popularisation avec des mecs comme C2C, Birdy Nam Nam ou Fakear (ndlr : Fakear collabore avec eux, et a signé sur leur label Nowadays). Même dans l’univers du beatmaking, ça s’est ouvert, ce n’est plus une espèce de niche élitiste.

Il y a aussi pas mal d’humour dans votre musique, ce qui donne une forme d’accessibilité à votre univers pour le grand public, non ?

Chomsk’ : Oui à fond ! C’est important pour nous, ce côté décalé…

Les références ciné contribuent  aussi à cet humour. Il y a beaucoup d’extraits de films dans vos morceaux, souvent drôles…

Chomsk’ : Au départ, ça permettait de bien unifier les morceaux les uns par rapport aux autres, d’avoir un fil conducteur… Et il y a plein de films des années 70, 80, avec Marielle par exemple, qui parlent de bouffe, ou « L’aile ou la Cuisse » ! Dès qu’il y a un film où ça parle de bouffe, français ou pas d’ailleurs, on le note, on le met de côté…

oOgo : …et puis les musiques de films, ça apporte une ambiance, un univers. Au début, on faisait ça sur Marseille avec les « films du Sud » style «La Femme du Boulanger», et les accents qui vont avec !

Le Prix Deezer Adami, ça change quelque chose pour vous ?

Concert Deezer Adami 2015Mr. Gib : C’est sûr, on est très contents, ça nous permet une vraie mise en avant, une visibilité, ça nous fait passer un cap… Donc oui, on a l’impression que le projet évolue dans le bon sens. On a envie de continuer en tout cas.

Chomsk’ : Oui, et on fait des festivals importants désormais : Dour, Garorock, Les Vieiles Charrues, les FrancosFolies…

Gib : On a également participé au festival Insolent à Lorient avec Chinese Man, des gros groupes, c’était impressionnant…

En parlant de groupes comme Chinese Man, vous vous en sentez proches ?

oOgo : Ouais… On les voit régulièrement, on est assez potes, ils sont d’Aix et nous de Marseille, ça crée des liens ! Puis, on vient un peu du même univers même s’ils ne font pas la même chose. Ils ont aussi ce délire super «indé», ils ont monté leur propre label… Ils ont un peu la même démarche que nous.

Et justement, pour conclure, en dehors de La Fine Equipe, est-ce que chacun collabore  à d’autres projets en solo ou en groupe ?

Mr. Gib : Chomsk’ et oOgo ont monté le label Nowadays Records. Moi, j’ai monté un studio qui s’appelle One Two Pass It, où je fais de l’enregistrement et du mixage… et Blanka, qui n’est pas là, a monté un studio de mastering. En fait, à nous quatre on arrive à avoir tous les éléments de la chaîne de production musicale, ce qui résume un peu notre démarche. Comme ça, on peut rester assez  indépendants. Indépendants en ce qui nous concerne, mais également dans le choix de ceux avec qui on travaille. Et ça, c’est  hyper important pour nous.

Le volume 3 de La Boulangerie est sorti en Décembre 2014

Ils seront notamment place de la République à Paris pour la Fête de la musique le 21 juin avec Jeanne Added et Georgio, et aux Francos de la Rochelle le 10 juillet.

Pour connaître leurs autres dates de concerts : Facebook de La Fine Equipe.

Leur label : nowadaysrecords.com