David Bowie Is…

[Actualisation 11 janvier 2016. C’est avec un sentiment de tristesse sidérant qu’on apprend ce matin la mort de David Bowie. Quelques jours seulement après son 69ème anniversaire et la sortie de son dernier album Blackstar. On se souvient de l’incroyable émotion qui nous avait envahi lors de l’expo à la Philharmonie l’an dernier. Ground Control a définitivement perdu Major Tom.]

Enfin ! L’exposition-évènement, David Bowie Is, dépose ses bagages à Paris après avoir été créée au Victoria & Albert Museum à Londres en 2013, et s’offre pour l’occasion l’écrin scintillant mais inachevé de la toute nouvelle Philharmonie. Assez semblable à celle de Londres, cette vaste rétrospective propose cependant un léger remaniement conçu exclusivement pour le public français. L’expo s’attache à montrer le processus créatif époustouflant de l’artiste, avant-gardiste, multiple et exceptionnel. David Bowie is everyone and unique…

 Un OVNI… universel

La bonne idée de l’expo est de ne pas avoir totalement suivi un ordre chronologique, mais d’être découpée en parcours thématiques éclatés, au premier abord déroutants, mais assurément plus proches de l’esprit multi-facettes de Bowie. On commence, classiquement quand même, par les jeunes années de David Robert Jones (pas encore Bowie), dans les faubourgs londoniens de l’après guerre, communs et sans âme, au milieu d’une famille dont il dit qu’il est «le seul à ne pas faire d’analyse, j’ai préféré l’écriture». Eléments sans doute fondamentaux de la carrière singulière de Bowie. Il est un mélange typiquement anglais de working-class invisible, et de parcours artistique hors norme.

L’envol vers l’espace

Il est encore adolescent quand il se lance dans la musique à l’époque où deux « monstres » britanniques se disputent la place de meilleur groupe rock du monde : les Beatles et les Rolling Stones, à peine plus âgés. Lui, n’a pas encore le succès de ses aînés. Il rame quelques années, période que l’on connaît peu, mais qui pose le personnage Bowie : il écrit, enregistre de la musique et fait le comédien. Ce n’est qu’en 1969 qu’il est définitivement mis sur orbite. Littéralement. C’est en effet en pleine mission lunaire d’Apollo que sort le bien nommé Space Oddity, inspiré du 2001 : L’Odysée de l’espace de Kubrick. Le public s’enthousiasme pour un chanteur d’une beauté ambigüe sidérante qui ne ressemble à personne, et découvre une musique inclassable. La légende Bowie est en marche.

 

Un foisonnement inouï d’archives exceptionnelles

David Bowie 1973
David Bowie 1973 © Sukita — The David Bowie Archive

Les commissaires d’expo ont eut accès au fonds d’archives personnelles considérable, où tout est répertorié depuis le début de sa carrière. Bowie, en bon control freak, ne jette rien : 90% de la collection visible à l’expo vient de là. On découvre par exemple, stupéfaits et troublés, le vieux trousseau de clés, détail au demeurant insignifiant, de son appart berlinois où il vivait dans les années 70. On est estomaqués devant la richesse, la complexité et la démarche artistique jusqu’au-boutiste du personnage. Bowie s’intéresse à tout : les courants musicaux, qu’ils soient jazz, rock ou classiques. Il digère tout : se remet en question continuellement, réinvente et se réinvente, devance la mode ou la prend à rebours, provoque sans agressivité mais agresse malgré lui, révolutionne la musique, est un des premiers à comprendre la puissance visuelle des vidéos…

On est émus devant les manuscrits, nombreux, écrits d’une main précautionneuse sur des feuilles volantes de classeur. On est ébahis devant le nombre incroyable de costumes extravagants, notamment ceux franchement inconfortables de Yamamoto  (voir photo) dont pourtant Bowie dit « qu’ils sont exactement les costumes de scène que je désirais ». On est pris dans un tourbillon de musique, de visuels, de pochettes, de vidéos d’une extraordinaire diversité.

http://www.youtube.com/watch?v=v—IqqusnNQ

 

L’émotion brute et animale

Et tout à coup, au détour de salles remplies d’objets exubérants, au moment où l’on se dit que Bowie maîtrise et calcule vraiment tout sans lâcher-prise, retentissent alors dans les oreilles les paroles du Major Tom, d’Aladdin Sane, de Ziggy Stardust ou bien Heroes, Starman, Ashes to Ashes et les questions laissent place soudainement à sa musique dans un torrent d’émotions brutes et primitives qui nous submerge.  Expo immanquable tout simplement.

David Bowie Is, jusqu’au 31 mai 2015 (ouverture jusqu’à minuit du 22 au 31 mai)

Philharmonie de Paris221, avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris. 01 44 84 44 84