Binic Folks Blues Festival 2017 — Jour 1

« Pas la peine de te boucher les oreilles, on entend autant de la maison ! ». Le gosse n’a pas de casque et se dépêche pour passer le pont ; il n’a pas l’air d’aimer les Double Cheese ce Baby Killer, avec ou sans ketchup ; mère-grand, par contre… Alors, on va où pour commencer ? Sur la scène Pommelec, voir The Flashers, ou à La Cloche, découvrir en live The Blues Against Youth ?

« Blues Against Youth ! » se gargarise une mouette, sardine au bec, « c’est du bon ! ». Si même les oiseaux ont du goût, où va t-on. C’est que nous sommes à Binic, la crème du festival breton. Lourds nuages à l’ouest en cette fin juillet 2017, cafés en rang d’oignons, chaises bien alignées à bâbord, stands à bière parés pour l’abordage ; la mer est un peu grise, les premiers festivaliers aussi. A Pommelec, Gianni Tbay fait un raffut d’enfer seul à la guitare, seul à la batterie, seul à… Mince, c’est un One Man Band lui-aussi ! Il balance son blues rural et sautillant sourire aux lèvres pendant que dans nos têtes, on se fait un véritable western spaghetti : hi-hat et chapeau bas !

Binic Folk Blues Festival 2017 - Jour 1
Binic Folk Blues Festival 2017 — Jour 1

La foule est bariolée, les punks sont au rendez-vous, les habitants du cru et les tatoués de tout poil aussi, toutes générations confondues : nous voilà rassurés. Parce que Binic, c’est un peu le Noël du rocker, l’épiphanie de l’amateur de blues et de garage, l’hosanna de la musique alternative ! Un événement que l’on attend toute l’année et où l’on sait que pendant 3 jours, on pourra dévisser la soupape de sécurité et se siffler un bon muscadet tout en se remplissant les oreilles de ce que les grands médias ne vous proposent – presque – jamais.

Pierre Omer’s Swing Revue par exemple, qui se souvient que les Dead Brothers, c’était lui ? Pour vous rafraîchir la mémoire, on en profite pour faire une interview, à la cool, de cet International Man Of Mistery. Jésus Christ et Sainte-Barbie nous assistent pendant que Lalla Morte se plie et se déplie en coulisses. Elégant, sourire en coin, Pierre Omer parle de ses projets passés et à venir quand, tiens, il fait de l’orage dehors ? Ouah, quelle bourrasque, on ne s’entend plus du tout ! Sauf que cette tornade-là vient de l’Est et se nomme Thomas Schoeffler !

Thomas Scheoffler © Cyrille Bellec
Thomas Scheoffler © Cyrille Bellec

Le bonhomme est toujours égal à lui-même, discret, presque passe-partout, et prêt à foutre le feu à la scène. Ça faisait bien 3 ans qu’on ne l’avait pas vu et le moins qu’on puisse dire, c’est que La Banche, c’est à dire la grande scène – Binic en compte trois désormais -, lui va bien au teint. One Man Band lui-aussi, et fier de l’être, il balance la Sauerkraut avec une puissance qu’on ne lui connaissait pas jusqu’alors. La voix est ample, tirée juste ce qu’il faut, la guitare sourde, profonde et répétitive : y’a pas à dire, « Oh, Mary Lynne! », c’est du lourd.

Il fait faim après cette première branlée, hélas trop courte — les passages sont chronométrés et dans l’euphorie, on a tendance à l’oublier -, galettes ou fruits de mer ? Rien qu’à l’écrire, on salive, car c’est là l’un des autres atouts de Binic : des concerts gratuits en plein cœur de ville où le festivalier plus ou moins fauché peut se contenter d’un casse-dalle au supermarché, se vautrer bourré, pardon, « fatigué », sur la plage ou décider de se la jouer, assis confortablement devant des moules marinières ou des crevettes en bouquet. Pour ces dernières, essayez le Nord-Sud, sur le quai, aaah (soupir de regret)…

 

 

Le ventre plein, on n’a que le temps de courir assister à la prestation de Pierre Omer et de sa Swing Revue. Quelques secondes de retard et nous voilà plongés en plein cabaret du bizarre, pris dans un rêve qui embaume les fleurs du mal et la fumerie d’opium. Plumes d’autruche et pointes aux pieds, Lalla Morte, meneuse de freak revue, émaille le show de ces prestations sublimes et déglinguées. Sur fond de Swing Cremona – à la batterie, Julien Israelian s’adonne à un bœuf endiablé – on erre dans des bas-fonds rêvés, entre Macao, Berlin et la Nouvelle-Orléans. Mais attendez, mais, mais ? Lalla déroule un tapis, verse et enflamme de vénéneuses liqueurs pour finalement se rouler sur du verre pilé, aïe… Elle se relève, l’air de rien ; Jean-Phillipe Geiser fait swinger sa contrebasse tandis ce que Christoph Gantert souffle comme un possédé dans sa trompette bouchée et chante, l’air faussement sinistre, un air à vous faire pleurer vos quat’sous. Au Bal de la Horde, pas de doute, ces frères-là ressusciteraient les morts !

Et nous, qu’est-ce qu’on fait ? Hé bien, on rentre, on est crevés.

Un grand merci à l’excellent photographe Cyrille Bellec pour ses magnifiques photos :

https://fr-fr.facebook.com/cyrille.bellec
https://myspace.com/cyrphotos