Tour d’Horizons

En écoutant la semaine dernière Horizons, l’album du groupe Détroit fondé par Bertrand Cantat, ex-chanteur de Noir Désir et Pascal Humbert, ex-membre de 16 Horsepower, je n’ai pas ressenti le fameux malaise, l’embarras, la gêne qu’il aurait fallu, selon une partie des médias culturels et généralistes, éprouver : j’ai tout simplement été transportée par ce beau disque intense et émouvant.

Détroit - HorizonsCet album, j’ai pourtant lâchement souhaité le haïr. Afin de rester du bon côté de la morale, de la fameuse « décence » dont tant de journalistes ont parlé ces dernières semaines[1]. Afin d’éviter de m’interroger sans cesse sur le droit ou non d’être touchée par des chansons rappelant rime après rime des faits tragiques que personne n’ignore et qui auraient dû alors me faire fuir. Afin de ne pas avoir à débattre de la légitimité ou non d’aimer le disque d’un musicien à la biographie désormais peu reluisante.

Ces hésitations, ces doutes et ces interrogations ont pris fin dès la découverte d’Horizons et de la poésie sombre et romantique de Bertrand Cantat, sublimée par l’instrumentation hypnotique et par la basse envoûtante de Pascal Humbert, avec qui le chanteur avait déjà œuvré sur les chœurs de la trilogie Des Femmes mise en scène par Wajdi Mouawad. Bertrand Cantat avait par ailleurs revisité avec 16 Horsepower l’incandescent « Fire Spirit » des Gun Club et conçu une superbe reprise de « The Partisan », adaptation de « La Complainte du partisan » par Leonard Cohen.
 

Si Horizons démarre maladroitement avec le bancal « Ma Muse » et le pataud « Glimmer in Your Eyes », il monte ensuite immédiatement en puissance grâce à la prometteuse « Terre Brûlante » et son chant chamanique avant d’atteindre des sommets de beauté et de désespoir avec le magnifique triptyque sonore composé d’ « Ange de la désolation », « Horizon » et « Droit dans le soleil ». En replongeant dans les heures les plus noires de son existence, là où « il ne fait jamais nuit, sous ce jour de néons », Bertrand Cantat a ainsi écrit les plus beaux textes de cet album, portés par une interprétation sincère et poignante.

 

 

Après deux titres quelque peu anachroniques (« Le creux de ta main » et « Sa Majesté »), où l’on voit poindre à l’horizon le Noir Désir flamboyant et engagé des années 1990, « Null And Void » prouve ensuite que Bertrand Cantat peut exceller in english, malgré un chant parfois malhabile.

Une fois passée cette tentative assez convaincante de renouer avec un discours plus politique et un rock plus incisif, c’est finalement par une déchirante interprétation d’« Avec le temps » de Léo Ferré que se termine Horizons, final magistral d’un des meilleurs albums qu’il m’ait été donné d’entendre cette année.

Détroit – Horizons – Barclay/ Universal

Détroit sera en concert à Paris, La Cigale, du 1er au 6 juin 2014 (sold out)


[1] http://www.telerama.fr/http://www.lepoint.fr/ – http://www.metronews.fr/