Extase elfique

Une voix cristalline s’élève doucement, et chante a cappella la beauté d’un soleil qui se dissout lentement, projetant autour de lui de douces nuances ambrées. La phonétique est déroutante, les mots singuliers attirent, transportent et subjuguent. Je vais rapidement découvrir que cette voix est islandaise et j’ai beau ne rien comprendre à ce qu’elle raconte, peu importe, je trouve ses accents magnifiques, ses métaphores splendides, sa syntaxe ravissante. C’est encore plus beau comme ça, d’être touchée à ce point par ce qui échappe à l’entendement. Quelques notes de guitare s’ajoutent à ce chant mystérieux, puis les choeurs font basculer cette belle chimère dans une ambiance 70’s folky et nostalgique. Et je me retrouve d’un coup en Islande, ce pays fascinant dont les nuits sans jour et les jours sans fin me font fantasmer à l’infini, au coin d’un feu, entourés de mes proches, fredonnant et battant des mains en rythme.

Voilà comment débute le nouvel album d’Ólöf Arnalds, Innundir skinni, paru en septembre dernier sur One Little Indian et produit notamment par Kjartan Sveinsson de Sigur Rós. Une introduction délicate et sensuelle qui me plonge illico dans une troublante béatitude. Les dix perles sonores féeriques qui suivent « Vinur Minn » (You disappeared), m’apportent ensuite la certitude que ce brillant opus ne quittera pas de sitôt ma platine de disques. La preuve, cela fait quatre mois déjà que l’album est sorti, et mon cœur chavire encore pour ces orchestrations nomades mêlant sonorités sud-américaines (que j’aime le charango !) et  mythologie nordique. Avant de concevoir lnnundir skinni, Ólöf Arnalds s’était déjà fait remarquer avec son premier album, Við Og Við, lumineux, sensible et intégralement chanté en islandais. Sur ce second opus, la jeune femme s’essaye aussi à l’anglais, mais finalement, rien ne sied mieux à ses balades que sa langue natale, que ce soit la mélancolique « Madrid », la fascinante « Innundir Skinni » (« Dans la peau », un titre tout à fait approprié !)  ou l’onirique « Svif Birki » (« Tree Love »). Une exception toutefois, l’époustouflante « Surrender », sublimée par les chœurs de Björk.

http://www.youtube.com/watch?v=IQ8BAstIqnE

Passée la première écoute, je ne peux cependant m’empêcher de chercher un sens à ce verbe islandais qui m’émeut tant.  Par chance, la belle Ólöf a pris soin de traduire tous ses textes en anglais. L’écriture, finement ciselée et très touchante, est à la hauteur des compositions. Tour à tour légers, nostalgiques ou fiévreux, les poèmes d’Ólöf Arnalds reviennent  ainsi sans cesse sur les liens unissant les êtres à leur terre, à la chair de leur chair, aux souvenirs qui s’évadent, aux amitiés qui survivent ou s’éteignent, aux amours qui agonisent doucement. Pour ma part, je suis liée durablement à ce disque bouleversant.

Emilie Paul

Ólöf Arnalds – lnnundir skinni/ One Little Indian. En concert le 28 février à Paris, au Studio des Champs-Elysées.

3 avis pour “Extase elfique

  • 31/01/2011

    Quel bel article, ça donne envie…merci Emilie !

  • 31/01/2011

    un nouveau concert à prévoir ?

  • 30/01/2011

    Je n’ai pas toujours été transportée, mais si l’on peut souvent se fier à sa première impression, il faut éviter de s’en tenir à la première écoute ! Avec Surrender, en revanche, j’ai été immédiatement into the wild nordique, les choeurs échos de mon voyage intérieur et chacun de mes pas appuyés par le pincement des cordes, harpe elfique ! Que le froid peut être doux !
    Magnifique !

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