Nuits de l’Alligator 2015

Si certains d’entre vous n’étaient pas encore convaincus que l’un des intérêts principaux des Nuits de l’Alligator était sa programmation, c’est qu’ils n’étaient pas présents à l’ouverture parisienne de l’édition 2015. Le 25 février 2015, la Maroquinerie décidait de troquer la rue Boyer pour Frenchmen Street, New Orleans, avant de faire un detour vers le futur, direction la galaxie Electroclash d’Arnaud Rebotini.

Black Strobe 2015Arnaud Rebotini, vous l’aviez deviné, c’est Black Strobe, un groupe français, oui Madame, un peu trop caché derrière I’m A Man, reprise passée à la gégène du titre éponyme de Bo Diddley et surtout tube monstrueux, véritable hymne à la testostérone et incontournable bande-son pour à peu près tout le monde, de Guy Ritchie en passant par Tarantino. Donc oui, on était un peu venus pour eux.

Mais lorsque vous pénétrez dans les demi-ténèbres de votre salle de concert préférée et qu’au lieu de machines hurlantes et de guitares amplifiées, vous découvrez, assise au piano, les dreadlocks ébouriffés, une femme parée de peintures de guerre à la voix stupéfiante, vous vous dîtes que oui, cette année, l’Alligator, il a les crocs !

Sarah McCoySarah McCoy, c’est une trombe, un ouragan façon Katerina – sans mauvais jeu de mots – qui distille un blues passé au brou de noix et au mauvais whisky, du genre de celui qu’on boit quand on a un chagrin d’amour pour un « vaudou man » qui vous a laissé sur le carreau, salaud ! Avec sa voix éraillée et son coffre impressionnant, elle ne fait pas dans la demi-mesure, Sarah. Imaginez le double maléfique de Liz Green (une des chouchoutes de la rédaction), une version New Burlesque de la poétique britannique, son pendant Faster Pussycat Kill Kill, et vous commencerez à vous faire une idée. Mêmes ritournelles pianistiques, évoquant le tournis des manèges et le roulis du blues noir, mais avec une voix à faire péter les murs, un monde qui n’appartient qu’à elle et un sens du décalage savamment cultivé.

Car là où Liz Green apprivoise en douceur sa timidité, Sarah McCoy lui claque la porte au nez. Accompagnée d’une comparse aussi barrée qu’elle – « vous vous rendez compte, elle est payée pour faire des bulles de savon sur scène ! » -, accessoirement xylophoniste, Sarah chante à pleins poumons les chagrins d’amour et les ruelles mal famées, frappe en rythme sur le bois du piano en guise de caisse claire, bois un coup de rouge à même la bouteille et se lève pour montrer son fuseau arc-en-ciel et ses chaussures de Drag, puis descend chanter dans la foule médusée avant de revenir dans un énorme éclat de rire. Me And My Gin.

Car oui, Sarah McCoy, c’est la version punk de Bessie Smith qui en son temps, le fut quand même pas mal, punk. En bonne équilibriste, Sarah McCoy n’a pas vraiment encore de disque digne de ce nom (nous nous sommes quand même procuré sa galette live et graphitée, oh yeah !) mais ça ne saurait tarder. En attendant, Sarah, on la veut à Binic, en première partie de Dr John, dans la bande-son du prochain James Bond : on s’en fout, vous vous débrouillez !

Black Strobe 2015Et Black Strobe alors ? Eh bien, Black Strobe, c’est Black StrobeCostume noir, chemise noire, écharpe blanche, chaussures rockabilly tout aussi immaculées, Arnaud Rebotini a l’aisance de sa silhouette massive et de sa voix de basse. A la fois crooneur, rockeur, remixeur et Zend Avesta (oui, le remix de Lazy sur l’album One Trip, One Noise de Noir Désir, c’est lui, l’album ovni Organique aussi), avec son groupe, il électroclashe sans pitié, porté par une guitare électrique mortelle. Un excellent mélange de Disco, de New Wave et de Blues qui évoque tour à tour Depeche Mode, ZZ Top ou les Chemical Brothers. En résumé, ça chauffe dans la salle, grave. On est tous des Shining Bright Stars, des « Mojo Workers » et pour le prouver, on danse. « Nous allons entamer la partie vulgaire du set », traduisez, ce sera raunchy et on va faire durer le plaisir. I’m A Man durera le temps de se satisfaire, c’est-à-dire une bonne dizaine de minutes, minimum. Chemise ouverte, une main sur le clavier, l’autre sur le micro, Rebotini se prend, sourire aux lèvres, pour une version électro d’Elvis. Girl From The Bayou, décidément. Les Black Strobe terminent néanmoins par un morceau à la fois sombre et planant, très Martin Gore période Violator (ah, le remix de Halo par Goldfrapp !) car « Nous sommes d’incorrigibles romantiques ».

Comme Sarah McCoy en fait.

Les Nuits de l’Alligator continuent à Paris jusqu’au 5 mars avec une programmation plus qu’alléchante : Heavy Trash, Hayseed Dixie, Hell’s Kitchen, Duck Duck Grey Duck et bien d’autres. En région, les petits veinards pourront même voir Hanni El Khatib les 3, 7 et 10 mars.

http://www.nuitsdelalligator.com