Marlon Williams – In the mood for love

A l’heure où nous publions cette interview, les ondes s’agitent et de nombreuses parutions hexagonales se lâchent déjà en T majuscules pour l’objet de notre émoi du mois, le dénommé Marlon Williams. Make Way For Love, son second album, mérite t-il à ce point un tel concensus élogieux ? Réponse le 16 février 2018 !

En attendant, une chose est sûre, Marlon Williams est digne de sa réputation. Crooner et songwriter blagueur, notre jeune Kiwi ne fait qu’une bouchée des clichés. Interview sous le charme…

HdO : Bonjour Marlon, on t’entend rire de l’autre bout du couloir, voilà qui semble un peu en contradiction avec le thème de ton nouvel album, Make Way For Love?

Marlon Williams : C’est vrai, mais il faut avouer qu’en général je suis un gars plutôt joyeux. Et là tout de suite, je me sens quelque peu délirant ; je me suis levé à 4h du matin, j’arrive de Nouvelle-Zélande et je n’ai pratiquement pas dormi. Je vais peut-être m’assoupir pendant l’interview, qui sait ? (Il éclate de rire)

HdO : Alors vite, commençons : donc, tu es très connu en Nouvelle-Zélande…

Marlon Williams : très connu, oh la !

HdO : Bon, alors disons que tu es plutôt connu en Nouvelle-Zélande, mais pas encore autant chez nous, est-ce que tu pourrais nous parler un peu de ton parcours ?

Marlon Williams (en français, pour « faire tomber les filles ») : Bonjourrr… (Il reprend en anglais) Je m’appelle Marlon Williams, j’ai commencé à chanter quand j’avais 9-10 ans et depuis je n’ai pas fait grand-chose d’autre. A l’école, de toutes façons, j’étais paresseux, peu motivé. Mais la musique me semblait déjà à l’époque un mode de communication beaucoup plus facile alors j’ai rejoint la chorale de la cathédrale de Christchurch, ce qui m’a d’ailleurs permis de faire ma première tournée.

HdO (déjà proche de la conversion) : Tu as reçu une éducation religieuse ?

Marlon Williams : Non ! Je n’ai pas été élevé dans la religion et ça ne m’a jamais vraiment attiré. Bien sûr, quand je chantais à l’église, je ressentais une certaine forme de spiritualité mais uniquement à travers la musique. Ensuite, je me suis mis à aimer la musique folk et country, ce qui pourrait sembler un peu paradoxal mais pas tant que ça au fond. Pour avoir une petite idée de qui je suis, il suffit de chercher au milieu de tout ça…

HdO : Tes goût musicaux sont-ils très « néo-zélandais » ou peut-on dire au contraire que tu es spécial dans ton genre ?

Marlon Williams (écartant le compliment d’une boutade) : Très spécial, non ! Mais en Nouvelle-Zélande, beaucoup de gens aiment le reggae et sont attirés par les musiques exprimant ce que j’appellerai une sensibilité « pacifique », alors que moi…

Marlon Williams © Caroline Bodin / horsdoeuvre.fr

HdO : Une sensibilité « pacifique « ? Dans le sens géographique ou spirituel du terme ??

Marlon Williams : One Love de Bob Marley résumerait bien cet état d’esprit musical ! Ce qui est plutôt amusant, c’est que mon père a grandi dans ce genre d’environnement, une petite ville vibrant au rythme du reggae, alors qu’il écoutait du post-punk, jouait de la musique punk, et était très à contre-courant de ce qui se faisait ; j’ai probablement hérité de cette tendance. Quand j’ai commencé à grandir, il y a eu un nouvel engouement pour la musique folk et country avec des artistes comme Lucinda Williams ou Ryan Adams. Mais pour ma part, j’ai toujours préféré des trucs encore plus anciens : Hank Williams, Georges Jones…

HdO : Une musique un peu mélancolique, comme ce deuxième album, fruit d’une rupture amoureuse. Bien que, euh, si je peux me permettre, tu as l’air d’aller beaucoup mieux…

Marlon Williams (éclatant de rire) : Oui ! J’ai mis toute ma souffrance dans mes chansons, histoire de m’en débarasser, de respirer plus facilement. C’est vrai que c’est un album de la rupture, un album de « coeur brisé » ; et il m’a été très utile pour m’en sortir, un peu à la manière d’une thérapie. Ce que je n’avais jamais fait auparavant…

HdO : Est-ce qu’il a été difficile à composer ? Tu disais il y a encore un an ou deux que ce n’était pas évident pour toi d’écrire en général ?

Marlon Williams : A vrai dire, j’ai composé cet album très rapidement mais je dois avouer que je n’ai rien écrit depuis…

HdO (concerné) : Est-ce que ça veut dire qu’il faudrait que tu vives un autre chagrin d’amour ?

Marlon Williams (rires) : Ah, non, surtout pas ! Parce que si ça recommence, je ne vais pas passer les 40 ans !

HdO : C’est vrai que l’amour peut vous vampiriser… A ce propos, l’excellent – et très drôle – single Vampire Again ne figure pas sur Make Way For Love, pourquoi ?

Marlon Williams : En fait, ça ne collait pas avec le reste de l’album, avec sa thématique, même si Vampire Again participe également de la thérapie et que je m’y livre à ma façon dans les paroles. Beaucoup de gens voulaient que ce titre figure dans l’album, mais j’ai résisté car l’ensemble se devait d’être vraiment cohérent. (sourire).

HdO : Ce qui n’était pas le cas de ton premier album ?

Marlon Williams : Non, pas vraiment… Et je voulais cette fois quelque chose de concis, d’expressif, de précis, ce qui est, je l’espère le cas.

HdO (tendant le cou) : Et, et en ce moment… tu te sentirais plutôt « vampire » ou « faible comme Woody Allen* »

Marlon Williams (éclatant de rire) : Ça dépend des moments ! Comme dans le clip, j’ai beau me la jouer, à la fin, c’est trop, je me fais avoir !

HdO : Ce qui est souvent le cas des crooners ! Et tu utilises ta voix de cette manière, est-ce intentionnel ?

Marlon Williams : En partie, sans aucun doute, car ils font partie de mon héritage culturel. J’ai grandi dans l’amour de chanteurs comme Elvis ou d’autres chanteurs à voix « old school ». Il y a une véritable tendance dans la musique occidentale à se méfier du caractère ludique du chant. Or, je ne veux absolument pas cacher le véritable plaisir que j’éprouve à chanter.

HdO : Y compris sur scène ! Nous t’avons vu à l’espace B en décembre 2017, et le moins que l’on puisse dire, c’est que tu donnes à fond , y compris dans l’auto-dérision !

Marlon Williams (rires) : Oui, oui ! J’aime me moquer de moi-même, de l’idée que je peux me faire de ma petite personne, crooner ou pas, et j’espère que ça fait rire aussi les autres.

HdO : Et comment ! D’ailleurs, je dois t’avouer que Make Way For Love, bien que touchant et sincère, ne m’a pas fait l’effet dévastateur d’autres albums célèbres sur le thème de la rupture ; je pense par exemple à About Farewell d’Alela Diane. C’est peut-être du à ton sens de l’humour, à ce besoin de recul ?

Marlon Williams : Sans aucun doute, j’avais très peur que cet album ait l’air trop sombre, trop complaisant, mais j’ai finalement fait confiance à mon entourage qui m’a dit de ne pas m’inquiéter à ce propos. Les choses très profondes doivent d’une certaine manière rester cachées et un peu de sens de l’humour y contribue ; on écrit des chansons pour les donner au reste du monde mais il faut que chacun puisse y transposer ses propres sentiments.

HdO : Sur l’album, tu as néanmoins enregistré le titre Nobody Gets What They Want Aymore avec Aldous Harding**, voilà qui est courageux ! Comment as-tu procédé, vous en avez discuté avant ?

Marlon Williams : C’était une démarche intéressante car dans cette chanson, je me mets à sa place. En fait, je donne ma version d’elle, de ce qu’elle aurait pu ressentir et me dire. Aldous est une artiste incroyable et nous nous connaissons si bien qu’elle a accepté que je m’exprime ainsi à travers elle, ce qui faisait également partie de la fameuse thérapie.

HdO : Tu seras bientôt sur scène avec la même formation que la dernière fois, The Yarra Benders, c’est un groupe que tu connais depuis longtemps ?

Marlon Williams : Oui, j’ai rencontré le batteur il y a quatre ans, quand je me suis installé à Melbourne, et Ben, le bassiste faisait partie du même choeur que moi lorsque nous étions enfants. Musicalement et vocalement, nous sommes vraiment en phase, c’est un lien qui n’a pas de prix. Je suis fils unique alors c’est très important pour moi, un peu comme s’ils étaient mes frères.

HdO : Il est temps maintenant de « faire place à l’amour » (Make Way For Love), pourrais-tu, à l’intention de nos lecteurs, concocter un diner romantique pour deux, avec la bande-son qui va avec ?

Marlon Williams (hilare) : Mmmm… Bon, j’adore les fruits de mer, alors si ça ne tenait qu’à moi, on ne mangerait que des huîtres ! Mais ça ne plait pas à tout le monde, et c’est aphrodisiaque, donc ce ne serait peut-être pas une très bonne idée ! Mais soyons sérieux, il faudrait commencer par, disons, une demi-douzaine d’huîtres par personne, histoire de s’ouvrir l’appétit. Ensuite, du poisson blanc, oui un beau poisson blanc avec de l’ail, de la coriandre, et beaucoup de beurre…

HdO : On salive déjà !

Marlon Williams : Le tout accompagné de quelques pommes de terre et d’une petite salade… En matière de dessert, j’ai des goûts plutôt trash, alors il nous faudrait quelque chose avec de la meringue, beaucoup de meringue. Une Pavlova par exemple, avec des fraises bien sucrées et de la crème ; vous mangez de la Pavlova en France ?

HdO (affamé) : Oui… Et pour le vin ?

Marlon Williams : Le vin ? Un superbe vin rouge, souple et capiteux. Je sais, ça ne va pas avec le poisson mais je n’aime pas le vin blanc, donc… Quant à la musique, j’ai tendance, dans ce genre de circonstances à passer de la musique classique plutôt déprimante, un requiem par exemple, Mozart ou Fauré. (S’esclaffant) Et si j’ai un peu trop bu, je peux même aller jusqu’à… Wagner !

HdO : Pour notre part, nous aurions plutôt opté pour un titre de ton dernier album ! Can I Call You ?***

 

Marlon Williams – Make Way For Love

Marlon Williams revient en concert le 26 avril au Rodia, à Besançon et le 27 avril 2018 à Paris au Point Ephémère

https://www.marlonwilliams.co.nz

* Allusion aux paroles de la chanson Vampire Again

** L’objet du délit, à propos de laquelle nous concédons à contre-coeur que la bougresse n’est pas dénuée de talent, ni de charme.

*** L’un des plus jolis titres de l’album Make Way For Love, non mais vous vous attendiez à quoi ?