Kidwithnoeyes
En matière de premières parties, on a parfois la sensation que la « star » de la soirée fait sa B. A., façon petit don annuel aux Restos du Cœur pour se donner bonne conscience… Certes, le cadeau est empoisonné : l’aspirant artiste (ou vedette) doit rallier à sa cause un public généralement froid, si ce n’est carrément goujat. Et en fin de soirée, après quelque beuverie spleenesque, le bougre risque fort de remiser guitare et perfecto pour le restant de ses jours… Mais parfois, l’élu est bon, même très bon. Moment béni, satisfaction de voir grandir sur scène un « vrai », un « pur »… illumination !
Concert de Yael Naim, le 28 janvier dernier à la Cigale. J’attends avec impatience l’arrivée de cette pétillante brune, dont la présence scénique m’avait déjà époustouflée en 2008. Une vraie grâce et surtout l’amour fou de la musique qu’elle partage avec David Donatien, sa bande de musiciens et le public. Je suis venue pour elle, rien que pour elle et, comme chacun le sait, les dernières minutes sont toujours les plus insoutenables… Quand arrive kidwithnoeyes (Clément Verzi, compositeur et chanteur, accompagné de son guitariste, tandis que le parolier Ryan Le Garrec reste dans l’ombre), je continue bassement la conversation entamée avec mon amie de collège, façon « bavardage dans le dos du prof ». Deux lycéennes roucoulantes nous font les gros yeux… On s’interrompt bon gré mal gré, en pouffant pour la forme.
Rien de nouveau sous le soleil, me dis-je d’abord. Le chanteur a sûrement beaucoup écouté Jeff Buckley et Rufus Wainwright, peut-être un peu Mercury Rev et Hawksley Workman (période songwriter romantique). Sa voix prend des teintes californiennes, c’est sympa mais ça casse pas trois pattes à un canard et ma copine était justement en train de me raconter un potin « pavé dans la mare » avant qu’on ne soit interrompues…
Et puis le charme opère, tout doucement, parce que j’arrête de vouloir à tout prix le trouver nul, parce que lui trouve peu à peu sa place et sa voix (comme Colin Firth dans Le Discours d’un roi, tiens) et parce que les textes – qu’il interprète avec émotion et ce petit supplément d’âme si précieux – racontent un peu de nos vies à tous. Beaucoup de chansons en anglais, mais lorsqu’il s’exprime dans la langue de Molière, il rembourre la mélodie d’une VRAIE mélancolie qui fait souvent défaut à la scène française, bien trop premier degré à mon goût. Entre deux prestations, il nous narre son aventure, commencée il y a deux ans alors qu’il est veilleur de nuit dans un hôtel et qu’un copain l’inonde de textes. Voix chevrotante, yeux baissés… si sa maladresse n’est pas une posture, on a envie de lui injecter un peu d’assurance et de lui dire que sa musique a des tripes. Non, en fait on a envie de lui dire merci. Applaudissements du public… conquis.
Kidwithnoeyes sera en concert lors du Festival d’Amiens, le 2 avril au Centre Léo Lagrange d’Amiens.
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