Punk Cinema

Quel est le rapport entre la Norvège en 1978 et le centre commercial de Bègles en 2012 ? Entre un camp de naturistes et un roi de la patate ? Bloody Hell : Punk, of course ! Ce 6 juin 2012 sortent deux films très différents, mais qui lorgnent dans la même direction. Une éducation norvégienne du réalisateur Jens Lien, petit film doux-amer sur une chronique adolescente douloureuse, et Le Grand Soir du duo explosif Kerven-Delépine qui nous régale avec une satire sociale grinçante.

Noël loufoque et jovial, mère aimante, père totalement permissif, jeans pattes d’éph’ : le tableau a l’air bien trop parfait dans cette Norvège 70’s baba cool et libertaire d’Une éducation norvégienne. Le drame semble rôder autour de cette famille heureuse. Et il frappe. Brutal et Impitoyable. Pour s’en sortir, notre jeune héros, Nicolaj, devient punk (en accord avec son farfelu de père qui fait une crise d’adolescence tardive). C’est aussi sa façon de survivre… Épingles à nourrice dans la joue, Doc Martens, fringues sombres, cheveux hérissés, l’époque n’est déjà plus au Peace & Love fleuri, mais plutôt à « I am an anti-Christ, I am an anarchist ! ». On hurle pendant les concerts, et on dégueule sa bière et sa hargne ! Plus la musique est merdique, mieux c’est, affirment les héros du film ! Le modèle, maintenant, c’est Johnny Rotten ! Le réalisateur prend comme parabole ce passage d’une époque douce et idyllique à une époque plus sombre et plus dure, que le mouvement punk semble cristalliser, pour nous décrire le difficile cheminement de l’enfance à l’adolescence. Malgré des longueurs (typiquement scandinaves ?) et une utilisation appuyée et un peu systématique de la musique des Sex Pistols, Jens Lien arrive à créer un joli film, drôle et poétique, tendre et cruel, sur l’importance de concilier bonheur et douleur, en tentant d’échapper à une vie trop formatée et trop lisse.
 

 

D’une manière radicalement différente, c’est également l’angle de vue choisi par le duo déjanté Kerven et Delépine dans Le Grand Soir. D’emblée, les deux compères nous plantent le décor, lieu unique hyperréaliste, presque théâtral : une zone commerciale, glauque, impersonnelle, étouffante. Le vide absolu. On pourrait être n’importe où en France. Deux frangins. L’un, semi-clodo, loser pathétique et attachant, punk à chien (« mon chien c’est un berger punk ! »), se fait appeler « Not » (!) et dort au milieu du rond-point. C’est Benoît Poelvoorde, absolument formidable. L’autre (Albert Dupontel épatant) y est vendeur de matelas (« Si on appuie fort dessus, il se regonfle tout seul après ! »). Boulot de merde, vie pourrie, bagnole à crédit, divorce, il est au bord de l’implosion. Tout semble d’abord les opposer. Dans cette société normative prête à « raboter » toute personne qui sort du cadre, c’est paradoxalement à la marge que les deux frères vont se retrouver. C’est là aussi que naît l’espoir. L’alcool, la liberté sans attaches, un certain nihilisme, le comportement « anarcho-régressif » des deux personnages semblent être, pour Kerven et Delépine, autant de signes de bonne santé mentale. Finalement, la norme imposée, n’est-ce pas cela la folie ? Tout n’est pas réussi dans ce film, mais la charge sociale décapante, l’humour noir, les deux acteurs excellents, les « guest stars » (Depardieu, Brigitte Fontaine…) nous invitent à cracher sur la société de consommation et profiter de la vie avant de crever ! L’essence même du punk, quoi !
 

 

Le punk, donc, dans ces deux films, semble être le dernier bastion de l’expressivité et de la révolte dans un monde cadenassé, réglementé, aseptisé et sinistre. Et Fuck, ça fait du bien. Punk is alive !

 
Une éducation norvégienne (1 h 28) de Jens Lien, d’après le roman de Nikolaj Frobenius Theory & Practice. Avec Asmund Hoeg, Sven Nordin, Sonja Richter.

Le Grand Soir(1 h 32) de Benoît Délepine et Gustave Kervern. Avec Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Brigitte Fontaine, Areski Belkacem.

Un avis pour “Punk Cinema

  • 11/06/2012

    Fuck the society!!!!!

Comments are closed.