Cheese Fighter !

Quand le fromage qui pue joue les va-t-en-guerre !

« Uniformisation des goûts, fromages industriels sans saveur, disparition des savoir-faire traditionnels, mort des petits producteurs, désintérêt des consommateurs, domination du lait pasteurisé… » Ciel ! Le documentaire  La Guerre des fromages qui puent de Gilles Capelle, diffusé sur France 5 le 29 janvier dernier, m’a presque fait défaillir. Moi qui vous vantais, il y a quelque temps déjà, les vertus de la fourme d’Ambert (et qui vais d’ailleurs en remettre immédiatement une bonne louche crémeuse…), j’ai senti mon cœur de meule prêt à fondre… Le fromage corse et corsé d’Astérix, capable de faire exploser le bateau des méchants pirates, est-il donc voué à disparaître ?

C’était sans compter sur la suite du reportage, qui, malgré un constat alarmant quant à la consommation exponentielle de produits calibrés et ternes, met en lumière un phénomène somme toute assez réjouissant : l’engouement des Américains pour le fromage qu’on nommera pudiquement « de caractère ». En 20 ans, le volume de la production fromagère fermière a été multiplié par 1 000 en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) ! Dans le Vermont, Mateo Kehler, un financier reconverti en producteur bio – militant du « bien-manger » et soutenu par les espèces sonnantes et trébuchantes d’un fonds de pension ! – s’en vient séjourner dans nos contrées pour s’abreuver du savoir-faire « made in France » avant de s’en retourner au pays. Transferts de compétences dont certains s’inquiètent, mais qui signent au fond un intérêt accru et salutaire pour la typicité des produits locaux et témoignent de l’envie de se lancer dans une production régionale. Après tout, un fromage, c’est certes une technique, mais aussi et surtout la spécificité du lait, fruit de caractéristiques géographiques et environnementales.

Ces pionniers américains s’enthousiasment pour les micro-organismes « qui donnent du goût » et savent bien pourquoi un lait pasteurisé, traité thermiquement à 72°C, est « moins riche » qu’un lait cru sortant du pis d’une vache paissant une herbe bien verte… Et l’on sourit franchement quand un gros importateur américain de fromages français s’exclame avec ferveur (et quelques dollars dans les yeux) : « French cheese goes all over the United States! »

Au-delà du folklore et des cas particuliers, cette tendance américaine, aussi marginale soit-elle, nous laisse espérer des jours meilleurs pour le « fromage qui pue» dans l’Hexagone.

D’ailleurs, souvenez-vous des petits producteurs de fourme d’Ambert (Ambert et contre tout, HdO du 29 juin 2011)… Certes en proie aux difficultés mais soutenus par le syndicat interprofessionnel, le syndicat de défense de la fourme d’Ambert et les commerçants locaux, ils ont créé l’opération « Fourmofolies », afin de valoriser et faire connaître leur fromage. Tresse de sandre et saumon accompagnée d’une délicieuse et crémeuse sauce à fourme réalisée par Thierry Chelle, chef passionné du restaurant Les Copains à Ambert ; feuilleté de fourme et glace à la fourme 18 mois d’affinage tournée minute par Rodolphe Regnault, magicien de l’Auberge du pont à Pont-du-Château, non loin de Clermont-Ferrand…

N’est-ce pas là un repas d’ambassadeur qui vaut tous les manifestes de la Terre ? Il faut dire que ces deux « toqués » d’Auvergne ne boudent pas leur plaisir quand il s’agit de mettre en avant les trésors locaux… Rodolphe a même un petit secret pour « rincer » le goût un peu franc du collier d’une fourme avant d’attaquer le dessert : la dégustation d’une fleur de Sichuan, aux effets presque anesthésiants et pour le moins troublants…

Par des opérations de sensibilisation de ce type, gageons que le fromage, le vrai, le fort, l’AOP, saura résister ! Quant à vous, irréductibles amateurs, soutenez la cause des pâtes dures et molles en scandant cet hymne fleuri : « En cas de poisse, parions sur l’époisses ; pour les jours gris, parsemons la vie d’un peu de brie et pour rêver de grand air, délectons-nous d’un morceau de camembert. Cheese Figthers de tous les pays, unissez-vous ! »

Pour en savoir plus…

http://documentaires.france5.fr/documentaires/la-guerre-des-fromages-qui-puent
www.jasperhillfarm.com
www.fourme-ambert.com
www.Hotelrestaurantlescopains.com
www.auberge-du-pont.com